16
nov 2001
Chère
Elisabeth,
J'ai trouvé, vous concernant,
de meilleurs qualificatifs. Vous êtes une espiègle, une facétieuse-née.
Venant de moi, considérez cela comme un compliment. Vous réécrivez
les choses, le monde, sur un mode burlesque, mais c'est tout à
fait justifié. Confers la chanson des Gaulois, dans ma dernière
lettre. J'espère que je ne suis pas trop chiant, personnellement.
En vous lisant, je m'inquiète parfois.
J'ai
regardé, comme vous sans doute, les images désolantes de
ces inondations à Bab el Oued, quartier qui porte bien son nom
puisqu'en arabe ceci signifie "la porte de la rivière".
On dit que gouverner c'est prévoir. Les Algériens peuvent
alors s'appuyer sur l'idée "que ça n'était jamais
arrivé". De la même façon ils pourraient arguer
que les toits de leurs maisons n'ont pas été dimensionnés
pour résister à d'abondantes chutes de neige. Mais j'ai
lu que les secours avaient mis des heures à arriver (sept heures,
je crois). Les pouvoirs publics n'avaient même pas pris le soin
d'avertir la population de faire un peu gaffe, de recommander aux gens
de rester chez eux. Cette vague de boue est arrivée sur une place
de marché noire de monde, tout simplement. Un Algérien disait
"tout ce qu'on su faire les responsables, c'est d'avertir les mollah,
qui sont allés dans les mosquées inciter les gens à
prier pour éviter qu'il pleuve". Si c'est vrai, c'est gratiné.
Mais le plus navrant était la réaction d'un responsable
du gouvernement, se hasardant enfin à visiter les lieux. Questionné
à propos de cette catastrophe par une journaliste française,
il répondit :
- Est-ce que vous n'avez pas vous aussi dans vos
villes des boulevards qui sont construits sur les lits d'anciens cours
d'eau ?
Ma belle-soeur Babette, présente et
pied-noir explosa immédiatement.
- Ca c'est typique de la mentalité de ces
gens. Ils ne sont jamais responsables de rien. Quand on leur désigne
leurs manquements, au lieu de répondre "oui, nous avons déconné",
ils essayent aussitôt de détourner le sujet vers d'autres
régions, d'autres ethnies, ou n'importe quoi d'autre ! Depuis qu'on
a foutu le camp, l'Algérie, elle est jolie !
Il est vrai que cela ne donne pas une
image très positive de ce régime post-révolutionnaire.
Nous avons eu droit à une diatribe en règle de la part d'Edith
:
- Les Arabes ? Ils sont incapables de construire
quoi que ce soit. Ils sont juste bons à faire bosser leurs femmes
et à jouer aux dominos. Ce sont des gens infantiles, toujours prompts
à suivre un leader. Quand les pieds-noirs étaient là-bas,
le pays tournait, parce que nous leur disions quoi faire. Tout le monde
a voulu qu'on parte ? OK. Mais voyons le résultat : c'est une catastrophe.
Ils s'égorgent entre eux. Dans les sphères politiques, la
corruption règne. Ce pays ne semble plus avoir aucun avenir. En
fait, les arabes ne sont bons qu'à se plaindre, éternellement.
En France, ils se plaignent. Je ne les mets pas tous dans le même
sac, certes, mais c'est dans leurs gènes. C'est jamais de leur
faute.
Drôle de gens, quand même,
non ? Regardez l'Afghanistan. Il y a moins d'une semaine les rues de Peshawar
étaient emplies d'une foule hurlante, brandissant des portraits
de Ben Laden. Des mollah appelaient à la guerre sainte, au Jihad,
dans les termes les plus violents, en brandissant et en agitant un index
vengeur. Des troupes armées se préparaient pour aller rejoindre
les Talibans, sur le front. Ils avaient tous l'air décidés
à mourir pour leur cause sacrée, comme un seul homme. Et
puis les Talibans se sont sont mis à se sauver comme des lapins.
De coup, plus personne dans les rues des villes du Pakistan. Le Jihad
? Oublié. Les mollah ? Partis à la pêche.
La vérité est que l'aide d'Allah, quand
on se fait pilonner par les cargaisons de bombes des B-52, finit par sembler
peu efficace. Quand on regarde ce qui se passe dans les villes, c'est
encore plus étonnant. Hier j'ai vu un film pris par un cameraman
civil, depuis son balcon. Il filmait en vidéo le départ
des Talibans, en bon ordre, dans leurs voitures et leurs 4 x
4, quittant Jalalabad, je crois, ville que "l'Alliance du Nord"
arrivait investissait quelques heures plus tard sans tirer un coup de
feu. Tout cela alors qu'on nous annonçait "une résistance
très vive de la part des Talibans". On essaye de suivre et
on est un peu dérouté, non ?
Ce n'est pas tant les volte-face de cette histoire qui
m'impressionnent que celles des populations. Là encore, nous avons
eu le son de cloche de Babette :
- Il n'y a pas à s'étonner. Ces gens
n'ont pas de véritable structure, ni morale, ni politique, ni même
.. religieuse. Ils sont manipulables à merci, comme des enfants
irresponsables. Le mot "démocratie "est pour eux totalement
vide de sens. D'un groupe émerge un leader, qui a une grande gueule.
Immédiatement, celui-ci devient capable d'entraîner la foule
dans n'importe quelle direction, vers n'importe quels excès. En
Algérie, on disait "qu'ils se chauffaient". Il faut avoir
vu une foule hurlante parcourir une ville et égorger des malheureux,
rencontrés sur leur passage. Ca fait peur. Moi, j'ai connu cela.
Nous avons eu un fanatisme de gauche, piloté par le FLN. Maintenant,
ce sont les mollah qui les "chauffent", mais cela fonctionne
de la même façon. Le FLN, aujourd'hui, dites-le moi, c'est
quoi ? Où sont les idéaux politiques, les plans, les projets
de société ? Il n'y a plus rien. C'est de la mousse, tout
cela. Quand je vois les rois du pétrole, en Arabie Saoudite, avec
leurs Rolex en or serties de diamants, je sais que personne ne parvient
à s'imaginer que ce sont encore des bédouins, dans leur
tête. S'il n'y avait pas des techniciens étrangers pour leur
extraire leur pétrole, ils ne seraient même pas capables
de le faire.
L'explication se trouve-t-elle dans
le Coran ? Je m'interroge. J'avoue ne pas avoir encore réussi à
décanter ces mille et quelques versets. Vous en citez deux, qui
disent une chose, mais j'ai l'impression qu'on pourrait en trouver deux
autres, quelques pages plus loin, qui diraient l'inverse. Je me souviens
avoir discuté une fois avec un chauffeur de taxi, musulman pratiquant,
qui me disait que quand il prenait le Coran en main, il était si
ému qu'il se mettait à trembler. Je me hasarderais à
avancer un qualificatif : émotionnel. Par rapport à ces
musulmans, à ces arabes, nous sommes pratiquement de froids nordiques,
moins sensibles à ces vagues de réactions émotionnelles.
Mais, en fouillant dans ma mémoire, je vois
que nous sommes immédiatement incités, nous, occidentaux,
à balayer devant notre porte. Il suffit de voir un film d'archives
pour découvrir d'autres foules hurlantes, qui habitaient plus au
nord et, souvenez-vous menaient un autre Jihad, derrière un sacré
mollah prénommé Adolf.
Qu'est-ce qui amène des foules
à "s'embraser" comme ça ? Il y a une telle similitude
entre le nazisme et l'extrémisme religieux qu'on est tenté
de se dire qu'il doit y avoir, là-dessous, un mécanisme
commun, bien qu'Hitler n'ait jamais promis à ses fidèles
un place dans un quelconque paradis National-socialiste. Visiblement,
on peut entraîner des gens à se sacrifier sans leur promettre
quoi que ce soit, ce qui est encore plus fort. Dans ce raisonnement, j'ai
parfois l'impression, comme dans un puzzle, qu'une pièce manque.
Il y a un truc qui devait être
gratiné, il y a une douzaine de siècles, en parlant de "froids
nordiques", ce sont les Vikings. On a repassé ces jours derniers
le film qui porte ce nom, avec Kirk Douglas. Vous connaissez la conception
que ceux-là se faisaient de la vie après la mort ? L'essentiel
était de périr en combattant. Peut importait le combat et
sa finalité. Le guerrier était alors accueilli au Wallalah,
par des Walkyries entourant leur dieu Odin, évidemment dieu de
la guerre. Sa vie était alors rythmée par ce qui pouvait
être le rêve de tout guerrier. Le jour, ils s'entre-tuaient
sans merci. Le lendemain, les morts ressuscitaient, comme ça ils
pouvaient recommencer éternellement. Pendant les pauses ils pouvaient
s'enivrer et sauter des ribaudes. Imaginez une seule seconde des types
convaincus que, pour eux, ça marche comme ça. Imparable.
Le Jihad, à côté, c'est pâlot. Les hordes viking
qui déferlaient quelque part devaient faire trembler les gens et
effectivement tout le monde tremblait dès que leurs cris de guerre
se faisaient entendre.
La nouveauté, de nos jours, c'est
l'action commando-suicide avec paradis garanti.
Mais il y a quand même quelque
chose de bizarre, dans toute cette affaire. Il y a une semaine j'entendais
un pauvre gosse de "l'Alliance du Nord", qui ne devait pas avoir
plus de treize ou quatorze ans, répondre à une journaliste
: "Si je meurs ? Pas de problème, je vais immédiatement
au paradis d'Allah". Attitude identique dans le camp adverse, avec
même cri de ralliement "Allah akkbar !". Dans ces conditions,
pourquoi les Talibans ne se sont-ils pas faits tuer sur place ? Si vous
comprenez, vous m'expliquez. Apparemment il y a des situations où
la mort peut avoir une vertu canonisante et d'autres où il vaut
mieux prendre ses cliques et ses claques.
Les peuples fonctionnent décidément
de manières très variées. Les Japonais ont produit
leurs kamikazes, mais avant de se jeter contre les porte-avions Américains
avec leurs avions, ils ne se rendaient pas. A Iwo-Jima les Américains
ont découvert cela avec effarement. Dans des bunkers des groupes
de Japonais, à court de munitions, se faisaient sauter avec leur
dernière grenade, plutôt que de se rendre, car c'eût
été "déshonorant". En Afghanistan, les
soldats ne se rendent pas, ils ne désertent pas, ils changent de
camp, en bloc, et ça ne date pas d'hier. Toute la troupe tourne
casaque d'un coup : le commandant et ses hommes. Pour nous, c'est une
peu compliqué à comprendre, non ? Ce sont des guerres où
il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les méchants.
Il y a d'un côté les gagnants et de l'autre les perdants.
En somme, c'est le gagnant qui gagne, puisque tout le monde se met de
son côté. Comme vous le notiez avec justesse, il n'y a pas
à chercher à comprendre, puisque de toute façon se
concrétise ainsi, quelle que soit l'issue, la volonté d'Allah.
J'ai entendu hier un truc complètement fou. La
plupart des Afghans ne savent pas lire. Les journaux racontent déjà
pas mal de conneries, dans tous les pays, mais quand on accède
à l'information en seconde ou troisième main, ça
devient surréaliste. Un journaliste s'est ainsi fait expliquer
par un homme vivant dans un camp de réfugié "qu'à
Kaboul l'Alliance du Nord avait permis aux communistes de reprendre le
pouvoir".
Dans ces courriers, nous tenons
une sorte de chronique et vous jouez le rôle de l'archiviste. Finalement,
c'est assez amusant de tenir cette sorte de journal, à deux. Je
vous sais gré de m'envoyer par voie postale des sorties imprimées
de nos courriers et je vous admire d'avoir le courage de retaper tous
mes écrits sur votre machine. Un jour il faudra que je m'arme de
courage, que j'entre dans le cybercafé de la ville voisine et que
je compose les instructions que vous m'avez communiquées, jointes
à votre dernière lettre. Alors, dites-vous, je pourrai voir
tout cela sur écran, notre prose, lue par d'autres ? Ca n'a pas
l'air bien sorcier, d'après ce que vous m'en dites et, en principe,
je ne suis pas un demeuré complet. Je n'ai simplement jamais éprouvé
le besoin d'utiliser ces machines avec lesquelles vous semblez jongler,
simplement parce qu'à l'époque où j'étais
encore en activité elles avaient plus l'image d'outils de gestion
et coûtaient un peu plus cher. Ce qui m'intrigue c'est cette affaire
de courrier électronique. Mais, quand on y songe, le fax était
déjà quelque chose de tout à fait extraordinaire,
comme il y a un siècle le téléphone.
Ces événements
d'Algérie m'ont rappelé un drame plus ancien, celui d'Orléanville.
Vous savez peut-être que cette ville a été pratiquement
détruite par un séisme. Il y a eu un nombre très
important de morts. C'est différent au sens où les séismes
sont difficilement prévisibles. Il y en a qui ne donnent aucun
signal d'avertissement. Une secousse monstrueuse arrive et quelques secondes
après il y a dix mille morts. Un ami de mon frère a essayé
pendant des années de promouvoir une idée qui m'a toujours
paru extraordinaire. Cela me vient en tête parce que je me dis que
nous ne sommes pas, dans cet "atelier", seulement là
pour pointer le doigt, fut-ce avec humour, sur toutes les sottises humaines.
On aimerait parfois voir émerger des solutions, dans n'importe
quel domaine. Cet ami de mon frère avait inventé un procédé
de construction absolument révolutionnaire, qui fonctionnait parfaitement.
C'était un chimiste. Au lieu de composer des parpaings avec du
ciment, il suggérait de produire des éléments de
construction standardisés à partir de ... pierres des chemins,
broyées, amalgamées avec une résine. Il est allé
très loin dans cette voie, a construit de nombreuses maisons-témoins.
J'avais même une cassette-vidéo où tout le processus
de construction d'une maison, avec ce système, était montré,
du début jusqu'à la fin. J'ai retrouvé la copie d'un
dossier que mon frère avait apporté, avec les dessins du
gars.
Tout se basait sur une sorte d'usine mobile, de
la taille d'une remorque de camion. D'un côté on jetait les
débris pierreux les plus divers, qui étaient finement broyés.
Au milieu, un "catalyseur" intervenait, amalgamant tous ces
débris pulvérulents. A l'autre bout sortaient des sortes
de briques de formes variés, selon les besoins. On aurait dit des
leggos.
Selon cet ami de mon frère,
le coefficient de dilatation était quasi nul. Ces "briques
standards", qui pouvaient s'assembler les unes aux autres par un
système tenon-mortaise, sortaient de cette usine mobile avec une
précision de quelques dixièmes de millimètre. Pour
construire, la seule chose qu'il fallait savoir installer de manière
classique c'était une bonne sole en ciment, bien horizontale. Dans
le ciment frais on disposait des tiges d'ancrages, qui s'y trouvaient
scellées.
Comme dans toute construction basée
sur une sole, on pouvait renforcer celle-ci avec des barres à béton,
constituer une assise en ciment armé. Tout le monde sait que dans
une sole en ciment on peut mettre n'importe quoi, y compris tous les débris
métalliques qui traînent, cornières, poutrelles. Plus
il y en a, mieux ça vaut. L'ouvrier pouvait alors commencer à
monter ses murs comme un gosse joue avec un leggo. Il y avait des pièces
pour les angles, d'autres pour les chambranles de portes. Une fois que
la sole de ciment était en place, cela devenait .. enfantin. Des
pièces constituaient les dessus de portes et de fenêtres.
Des pièces en "T" permettaient de créer des amorces
de cloisons intérieures, un système de pièces indépendantes.
L'ami de mon frère avait démontré que l'on pouvait,
à travers des stages, former des constructeurs de maisons beaucoup
plus rapidement, selon cette formule, qu'on aurait pu le faire avec des
apprentis-mâçons.
Quand la structure de la maison était
montée commençait un autre type de travail. Les pièces
d'angles, creuses, de même que les éléments entourant
les ouvertures permettaient d'y loger des barres à béton
et d'y couler du ciment. Ainsi les empilements de leggos des quatre coins
devenaient des piliers solides. Les éléments reposant sol
le sol avaient déjà, quant à eux, été
rendus solidaire de la sole en noyant les barres dans du ciment. On logeait
de nouvelles barres dans la gouttière formée par l'assemblage
des éléments du dessus et on les coulait dans du béton.
Un maçon dirait qu'on constituait ainsi un "chaînage"
très efficace.
Vue schématique du chaînage,
c'est à dire des éléments rendus solidaires par des
tiges de fer à béton scellées
En regardant la vue ci-dessus,
il faut imaginer la maison complétée par ses murs, faits
d'éléments-leggos assemblés. C'est très schématique,
mais dans cette affaire, tout était conçu comme un "Meccano"
de manière à ce que des éléments standards
de plomberie, d'alimentation électrique, d'attaches de portes,
de fenêtres et de volets puissent être intégrés
à l'a construction, évidemment standard. La précision
d'assemblage rendait la maison convenablement étanche au vent et
à la pluie. Mais elle avait surtout un avantage étonnant
: étant "déjà fissurée", et devenait
ainsi remarquablement antisismique. Quand il y a un séisme, les
murs se brisent et se renversent sur les gens, en les tuant. Là,
aucune fissuration ne pouvait se propager, puisque l'ensemble des murs
et des cloisons comportait un système complet intégrant
une infinité de "fissures préexistantes". Le tout
étant tenu par ce système de chaînages. Les murs étaient
capables de subir des déformations sans se disloquer, donc d'absorber
de l'énergie. J'ai vu des essais réalisés sur ces
maquettes qu'on secouait de toutes les manières imaginables. Impossible
de la mettre à bas. A la limite les murs oscillaient, c'était
tout. L'autre intérêt était de pouvoir reconstruire
un village détruit par un séisme en utilisant les décombres
eux-mêmes et en les recyclant. Il m'est arrivé de voir
des images de régions chinoises entièrement ravagées
par des séismes, qui auraient pu être remises en état
en un temps record avec un tel système.
Au delà de cet aspect antisismique, non
négligeable dans de nombreuses régions du globe, il y avait
là un procédé original de constructions d'unités
d'habitation qui, dans des régions moins vulnérables sur
ce plan là, pouvaient permettre d'envisager des édifices
à plusieurs étages. Du fait de ce système d'assemblage
inspiré des leggos ou des Meccanos, la vitesse d'avancement des
constructions était tout à fait remarquable. Les produits
chimiques mis en oeuvre pour amalgamer les produits solides de base étaient
me semble-t-il, tout à fait courants et bon marché. On peut
se demander pourquoi une telle formule n'a pas fait souche dans de vastes
régions du globe. La réponse me semble simple : elle aurait
conféré aux intéressés trop d'autonomie en
leur permettant de construire à peu près n'importe où,
en "utilisant les pierres des chemins". Mon expérience
d'ingénieur-conseil m'a montré pendant de longues années
que l'homme cherchait avant tout à maximiser un profit, non à
opter pour la solution d'un problème la plus adéquate et
la moins coûteuse.
Je reprends de
courrier, bien qu'il soit assez tard. J'ai encore regardé une émission
à la télévision. Il n'y a pas que des âneries,
dans cette boite vitrée, à utiliser avec les plus grandes
précautions. On peut y apprendre des choses essentielles, déterminantes,
même si le but n'était pas exactement celui-là. J'ai
vu un reportage fait dans une prison d'Afrique du Sud où ont été
regroupés, de longue date, les pires criminels du pays. Avant la
chute de l'Apartheid, le gouvernement Sud-africain avait mis en place
un système carcéral des plus simplistes. Le lieu était
conçu comme un camp de concentration. De toute manière,
tous les individus qui y étaient incarcérés, à
cent pour cent des noirs, n'étaient pas destinés à
être libéré un jour. Il suffisait donc, grâce
à un système d'enceintes concentriques électrifiées,
de rendre impossible toute évasion. On fournissait ensuite de la
nourriture à ce troupeau humain. Le directeur, un blanc, habitait
à l'extérieur de cette enceinte. Un chiffre extrêmement
parlant : un gardien pour cent détenus, armées d'un simple
bâton et d'une paire de menottes. Comment cette prison, installé
depuis des décennies, s'était-elle organisée ? De
manière extrêmement structurée, en s'inspirant de
l'architecture sociale déjà présente dans les ghettos
noirs du pays. Dans la prison, des gangs, les "nombres" : le
gang numéro 28, le gang numéro 45, etc. Pour les résidents
de ces prisons, deux choix possibles : appartenir ou ne pas appartenir
à l'un de ces gangs. Pour faire partie de ces structures, un seul
critère : avoir tué à l'intérieur de la prison.
Un meurtre rituel visant un détenu choisi au hasard était
la cérémonie d'intronisation. Les armes : des lames de rasoir
montées sur des manches en plastique de brosses à dents,
par simple chauffage. Un détenu raconte :
- On crève d'abord un oeil. Comme l'homme
a immédiatement le réflexe de porter ses mains à
son oeil blessé, on peut lui trancher la carotide. C'est un simple
coup à attraper. Quand on commet de tels meurtres, il faut être
nu, pour éviter que le sang du condamné ne salisse vos vêtements.
Une enquête à l'intérieur
de la prison ? Jamais. Les blancs lorsqu'ils enfermaient dans ces prisons
tous ces noirs décidaient une bonne fois pour toutes de s'en désintéresser
complètement. Les "surveillants" se bornaient à
constater les meurtres et à faire évacuer les corps. Eux-mêmes,
d'ailleurs, étaient périodiquement assassinés, dans
l'indifférence générale de l'administration pénitentiaire
blanche. Sous l'objet de menaces, les gardiens assuraient l'entrée
de drogue dans l'enceinte de la prison. Pourquoi des gens acceptaient-ils
des métiers aussi risqués ? Parce qu'il ne s'agissait que
d'un choix entre une misère ou une autre. Dans les ghettos, les
choses se passaient exactement de la même façon.
Premier constat : ce genre de dérive s'implante
plus volontiers dans les milieux humains où règne la misère.
Quand la nourriture ou les biens de consommation manquent, les gens finissent
rapidement par s'entre-tuer. Mais cette violence peut naître également
chez des nantis. Dans la prison Sud Africaine, le menu était spartiate,
certes, mais la famine ne sévissait pas. Quant aux biens de consommation,
il n'y en avait pratiquement pas. Restait l'ennui, et surtout quelque
chose qui me semble être la clef de nombreux comportements humains
: le besoin impérieux d'une structure, n'importe laquelle. Une
structure qui implique une hiérarchie, en l'occurrence implacable.
D'où l'apparition spontanée de ces gangs dotés de
chefs aux pouvoirs absolus et aux prétentions territoriales :
- Je décide, dit l'un d'eux, sans le moindre
complexe, qui doit manger et qui restera à jeun, qui vivra et qui
mourra, qui servira de "femme" aux autres. Je pense que les
chefs des gangs ont été mis en place par Dieu.
Et nous y voilà. Le concept de
respect de la personne humaine disparaît totalement. L'individu
est totalement dévoré par la structure qui l'absorbe. Même
le leader, le chef du gang, devient prisonnier de celui-ci. Il a souhaité
acquérir ce statut, en abandonnant tout ce que nous qualifions
"d'humanité" (mais nous gagnerions, ce me semble, à
définir ce mot). Ce faisant il s'est totalement abandonné
aux règles de fer du gang, qui semblent exister indépendamment
du groupe-lui-même. Les réponses extrêmement spontanées
et naïves de ces chefs de gangs, interviewés, trahissent la
dénaturation complète des êtres humains qui vivent
dans ces mondes carcéraux. L'absence totale de "règlement
intérieur", voulue par l'administration pénitentiaire
blanche, avant que l'on ne se s'en prenne à l'Apartheid, permet
toutes les dérives. C'est absolument semblable à ce qui
se passait dans les camps de concentration Allemands, pendant la guerre
où les êtres humains qui y étaient incarcérés
perdaient leur statut, devenaient des "untermenchen", des "sous-hommes",
moins que des animaux. Des "médecins nazis" pouvaient
donc s'y livrer à des "expériences". Le système
engendrait une organisation fondée sur les "kapos", détenus
mieux nourris et doté d'une espérance de vie accrue, relayant
la férocité d'une organisation n'ayant pour seule fin que
l'exploitation des machines humaines jusqu'à l'extrême limite
de leur résistance, puis leur extermination et leur "recyclage"
(dents en or, cheveux). Dans ces comportements, qui nous semblent aberrants,
de "tortionnaires" locaux, je ne vois qu'un retour à
un stade infantile. L'homme qui mutile un prisonnier n'est alors plus
différent de l'enfant qui arrache les ailes de l'insecte avec lequel
il "joue". La présence d'uniformes crée la différence.
Pour les gardiens nazis, un uniforme noir, pour les prisonniers : des
loques à rayure. Dans l'inconscient de ces hommes il y a alors
apparition de deux espèces différentes, dont l'une a simplement
une espérance de vie plus faible que l'autre.
Où se situe le dénominateur commun
avec l'organisation de la prison Sud Africaine ? Il y a des structures,
c'est tout. Les espèces animales ont les leurs. Les animaux isolés
défendent des territoires. Les animaux grégaires se rassemblent
et vivent des lois très strictes dont la finalité nous échappe
très souvent. On peut tenter d'expliquer ces lois en invoquant
des considérations de sélection naturelle ou de limitation
des naissances. J'ai un ami, un ancien diplomate, qui a vécu longtemps
en Tanzanie. L'étude des comportements animaux l'a toujours passionné.
Il me dit avoir vu dans le bush une gazelle mâle entourée
par un harem de vingt à trente femelles, alors qu'à distance
se tenaient d'autres mâles privés de la possibilité
de se reproduire. S'agissant de la limitation des naissances, un des comportements
les plus fréquents se traduit souvent, dans des hordes de prédateurs,
par la présence d'une femelle dominante, comme par exemple chez
les cynhyènes, ou lycaons, sortes de chiens sauvages tachetés
à grandes oreilles qui chassent en meute comme les loups. Au gré
de combats très violents une femelle acquiert ce statut de dominante
qui lui conférera une exclusivité de procréation
dans sa meute. Les autres femelles peuvent être couvertes, donner
naissance à des petits : la femelle dominante dévorera ceux-ci
dès leur sortie du ventre de leur mère, dans l'indifférence
générale. A moins que celle-ci ne se rebelle et ne remette
alors en question le statut de la femelle dominante. Auquel cas le combat
sera immédiat et le plus souvent mortel.
En voyant cela, on se situe au delà du
bien et du mal, on parle alors "d'instinct", on invoque quelque
logique de limitation de la population dans cette espèce. On oublie
au passage que les prédateurs sont des limiteurs de populations
par définition. Il n'existe pas de rituels de ce genre chez ceux
qui sont destinés à être dévorés, qui
constituent une simple réserve de protéines pour les prédateurs,
lesquels se combattront entre eux pour conquérir ou préserver
un territoire nutritif. Les lycaons sont des prédateurs. Ils ne
sont pas la nourriture ordinaire du lion. Véloces et de petite
taille, capables de se défendre en bandes, ces animaux sociaux
sont des proies "compliquées". Un jeune gnou ou une antilope
sont plus faciles à attraper.
On oublie volontiers que l'homme est un ancien
animal. En revendiquant de nouveaux territoires, un nouvel "espace
vital", et en envisageant tout simplement d'exterminer leurs anciens
occupants (les slaves, à l'est), les nazis n'ont fait qu'opérer
un retour à l'animalité, en suivant une logique darwinienne.
Le racisme, érigé en dogme, ne fait que consacrer la séparation
d'ethnies humaines en espèces différentes. Il y a des espèces
dominantes, des espèces dominées, des espèces à
éliminer, c'est tout. Regardons la manière dont nous traitons
les animaux. Il y en a que nous mangeons, après les voir tués
de sang froid. Il y a ceux qui nous fournissent du lait, des oeufs, de
la laine avec laquelle nous fabriquons des vêtements. Avant que
nous ne découvrions les vertus de la vapeur, puis des hydrocarbures,
d'autres nous fournissaient leur force de travail. En échange,
nous leur donnions le droit de survivre et de se reproduire, de manière
très contrôlée. Sur Terre, si on élimine le
meurtre et l'anthropophagie, tout fonctionne de la même manière
sous le couvert d'un "organisation sociale" très complexe.
Les idéologies, les religions, les constitutions, les lois, les
titres de propriétés, les règles fixant l'héritage
sont là pour assurer une stabilité consensuelle. Quand,
quelque part, apparaît un déséquilibre, un réajustement
apparaît, que nous nommons "émeute", "guerre"
ou "révolution".
Ce qui m'a fasciné dans ce reportage sur cette
prison Sud-africaine, c'est que nulle pression ne s'exerce a priori sur
cette communauté carcérale. Ces hommes sont simplement totalement
livrés à eux-mêmes. A la limite on peut envisager,
dans la mesure où la prison fournit de la nourriture en suffisance
que la satisfaction des besoins sexuels restait le seul problème
à résoudre, évidemment par l'homosexualité,
vécue comme un acte d'une banalité absolue, et déjà
présente dans le ghetto d'origine, comme la prostitution, considérée
comme un simple moyen d'existence. Les hommes sont donc totalement libres
d'engendrer la structure de leur choix, inutile, sans réelle fonctionnalité,
puisqu'il n'y a aucun lieu paradisiaque dans cet enfer de béton
et d'acier. Les territoires ne sont que partiellement géographiques,
ils sont surtout sociaux. Ce sont des architectures fondées sur
la dominance, qui permettent à chacun de trouver sa place, de recréer
un jeu ou des enjeux. Chacun, de nouveau, existe par rapport à
l'autre. La structure devient plus forte que l'individu.
Dans votre lettre vous avez pas
mal parlé de votre vision de la vie après la mort. Vous
écrivez :
- Vous me demandez si j'opterais pour la vie éternelle
?
Question à laquelle vous
avez répondu, comme à votre habitude, de manière
désopilante ( "A priori, je suis ouverte à toutes les
propositions, je vais envoyer mon CV avec une lettre de motivation"
) au point que je me demande parfois si vous ne seriez pas la fille naturelle
de Woody Allen.
Avez-vous remarqué que dans ce que j'évoque
ici, dans cette prison, les gens se foutent éperdument d'une quelconque
vie après la mort, tant ils sont préoccupés de leur
survie au quotidien. Notez que créer ainsi une telle urgence est
une façon comme une autre d'évacuer le problème,
inconsciemment.
Je repense soudain à un passage de l'Ancien
Testament, à l'histoire de Jephté. Ce Juif, fils de prostitué,
a réussi à s'imposer en tant que chef de guerre. Un jour,
partant en campagne, il "jure devant l'Eternel" de sacrifier
la première personne qui viendra à sa rencontre à
son retour si Yahvé lui donne la victoire. Le sort des armes lui
est favorable mais, quand il revient dans son village, le premier être
humain qui vient à sa rencontre est sa propre fille. Il a juré,
il doit mettre son serment à exécution. Sa fille lui demande
simplement un petit délai "pour prendre congé de la
vie". Celui-ci étant écoulé, il l'égorge
dans les règles de l'art. Or ceci intervient à une époque
où nulle mention d'un quelconque devenir post mortem n'a encore
été évoqué dans l'ouvrage. Dans le monde hébraïque
ancien, si la soumission à Dieu doit être totale, personne
ne semble se soucier de ce que l'on peut devenir après sa mort.
Le "Shéol", monde souterrain où atterrissent les
défunts appartient au monde des croyances traditionnelles. Ca n'est
pas spécifiquement hébraïque. Dans cet Orient ancien,
certains empaillaient, bitumaient leurs morts, d'autres "les nourrissaient".
Dans ce Shéol les morts vivaient comme dans leurs tombeaux, pédalaient
dans l'obscurité, dans la poussière et "ne célébraient
pas Dieu". Il n'y avait ni récompense, ni punition post-mortem,
ce qui fait qu'on peut s'interroger sur le geste de Jephté. Pourquoi
n'avait-il pas d'autre alternative ? Il aurait pu à la limite se
suicider, pour ne pas avoir à tuer sa fille. Mais peut-être
un autre membre de sa famille ou de son village aurait-il pris le relais,
pour que la honte ne frappe pas le village, ou la malédiction du
terrible Yahvé.
Revenant à cette prison d'Afrique
du Sud, des lois implacables planent au dessus de ces gangs en les "animant",
en créant toute leur dynamique. Je trouve cela personnellement
fascinant. Un chef de gang, régnant grâce à une terreur
consensuelle, ne dort pas avec une kalachnikof sur le ventre. Les détenus
s'entassent à quinze ou vingt par cellule. La nuit, n'importe quel
autre détenu pourrait lui trancher la gorge d'un coup de rasoir.
Mais il ne fait pas car alors il déclencherait une guerre de succession
dommageable où lui même risquerait d'y passer. Au delà
de cette prudence il y a l'homéostasie de la structure.
On parle de cellules sociales. Le mot n'est pas choisi
au hasard. Le vivant s'organise en cellules, avec partage des tâches.
Chacun sa place, chacun son job. Nous sommes nous-mêmes des prisons
pour cellules. Dans nos vaisseaux des globules blancs, des lymphocytes
se baladent, comme des flics en moto, en traquant les intrus ou les indésirables.
Ils adhèrent sans arrêt aux cellules qu'ils rencontrent sur
leur chemin pour un rapide contrôle d'identité. Cela s'effectue
au moment du contact. Toutes les cellules portent des marques d'identification
sur la paroi externe de leur cytoplasme. Si le contrôle est satisfaisant,
le lymphocyte dit "circulez !", sinon, il tue. Je ne sais pas
si vous savez comment un lymphocyte tue, mais c'est assez extraordinaire.
J'avais lu cela dans un numéro de Pour la Science il y a quinze
ou vingt ans. Les bactéries et les virus passent leur temps à
muter. Si les lymphocytes les attaquaient par voie biochimique ceux-là
trouveraient vite la parade. Apparaîtraient rapidement de nouvelles
générations insensibles à ce poison-là. La
mise à mort est donc mécanique, s'effectue "à
coup de surin". Les lymphocytes, essentiellement les T4, n'ont pas
"un couteau attaché à leur ceinture", ils ont
mieux. Tandis qu'ils continuent d'adhérer à leur "client",
ils introduisent dans sa paroi cellulaire des molécules allongées
de "perforine". Celles-ci s'agencent automatiquement pour constituer
des tubes. Le lymphocyte dote ainsi la cellule condamnée d'une
demi-douzaine de tubes à travers lesquels elle va fuir. Quand le
travail est terminé, la cellule est abandonnée à
elle-même et, incapable de se débarrasser de ces étranges
rivets, se vide rapidement.
Les membres d'un gang se respectent et même se
soutiennent, car ils savent qu'ils n'existent qu'en tant que groupe. Dans
cette prison, un individu isolé est un mort en puissance, une proie,
un objet sexuel. Si la nourriture venait à manquer, on peut supposer
que ces gens s'entre-dévoreraient.
Dans ce reportage fascinant on évoquait
une tentative de rééducation de tels prisonniers, après
abolition de l'Apartheid. Dans le cas de certains, peut être moins
coupables que d'autres, une libération semblait même apparemment
envisagée. Et c'est là que j'ai trouvé le contenu
de cette émission tout à fait extraordinaire. Un détenu
concerné, couverts de tatouages destinés à réaffirmer
son appartenance à un gang, voyait sa situation de prisonnier soudain
remise en question. Il était alors pris de panique, prêt
à s'inventer des crimes qu'il n'aurait pas commis pour éviter
sa remise en liberté, après tant d'années passées
dans cette prison. On arrive donc à l'extrême limite de l'aberration.
Un ensemble d'hommes a sécrété une structure, comme
un mollusque sécrète une coquille ou un mammifère
un squelette. Ceci semble être une tendance absolument impérieuse
chez la plupart des hommes vivant sur cette planète. Pour la plupart,
rien n'est plus angoissant que d'être un individu livré à
lui-même. La structure, le groupe, devient un système d'identification,
concrétisé dans cette prison par des tatouages mais qui,
ailleurs deviennent uniformes, attitudes, titres, éléments
de langage et en général tout système de reconnaissance.
Dans cette prison un tel système peut devenir si fort, s'ancrer
si profondément dans l'être que le fait de s'en extraire
devient anxiogène, éventuellement intolérable.
A travers cela, j'essaye de comprendre le "phénomène
Taliban". Il me semble que la religion devient alors un prétexte.
Des règles de fer naissent, qui s'assemblent en constituant une
structure. Les mollah deviennent des "seigneurs de la religion"
comme d'autres deviendraient des seigneurs de la guerre. Toute une pyramide
hiérarchique s'instaure. Les représentants du Ministère
du Vice et de la Vertu pourchassent les images, la musique, les cerfs-volants.
Il devient interdit de rire. Les gardiens de cette orthodoxie imbécile
s'identifient eux-mêmes à ce mouvement. On trouvait un phénomène
similaire chez les Gardes Rouges, lors de la révolution Culturelle
en Chine. Pour stabiliser le tout, un bouc émissaire est bienvenu.
Chez les nazis, c'était le juif. Dans la Chine de Mao on chassait
le "révisionniste". Là, c'est "l'Amérique",
qui resta sans doute une complète abstraction chez beaucoup de
ces gens, y compris chez leurs mollah. Ce que je ressens, c'est cette
interdépendance complète entre les troupes d'un tel mouvement
et leurs leaders. C'est pour cela que c'est aussi instable. Mais cette
instabilité n'empêche pas que cela puisse être très
dangereux. Finalement, ce qui tend à émerger n'importe où
(et nous ne sommes pas a priori vaccinés contre une telle chose),
c'est la connerie, tout simplement, qui démontre son extraordinaire
faculté morphogénétique. Ce qui est vexant c'est
de constater que la connerie est intelligente, qu'elle tend à créer
des structures relativement compliquées, bien que non-fonctionnelles
à terme. Les Talibans n'auront rien fait d'autre que d'accroître
la ruine de leur pays.
Ca c'est de la connerie médiévale,
fruste. Mais celle-ci existe à tous niveaux. Les Américains,
quand ils ont envisagé de favoriser l'installation des Talibans
au pouvoir, simplement parce que le gazoduc issu du Turkménistan
pouvait gagner un port à créer sur la côte Pakistanaise,
en traversant leur territoire, à l'ouest de l'Afghanistan, ont
mis en oeuvre de la connerie de haut vol. Je pense que nous allons devoir
étudier la connerie, à la loupe, sous toutes ses formes,
en cherchant en particulier pourquoi elle se manifeste avec autant de
vigueur. Je vous dévoilerai un jour mon idée.
A mon avis la connerie a une origine
métaphysique.
Amicalement
Félix
à compter du 17 novembre 2001
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