16 nov 2001

 

        Chère Elisabeth,

   J'ai trouvé, vous concernant, de meilleurs qualificatifs. Vous êtes une espiègle, une facétieuse-née. Venant de moi, considérez cela comme un compliment. Vous réécrivez les choses, le monde, sur un mode burlesque, mais c'est tout à fait justifié. Confers la chanson des Gaulois, dans ma dernière lettre. J'espère que je ne suis pas trop chiant, personnellement. En vous lisant, je m'inquiète parfois.

    J'ai regardé, comme vous sans doute, les images désolantes de ces inondations à Bab el Oued, quartier qui porte bien son nom puisqu'en arabe ceci signifie "la porte de la rivière". On dit que gouverner c'est prévoir. Les Algériens peuvent alors s'appuyer sur l'idée "que ça n'était jamais arrivé". De la même façon ils pourraient arguer que les toits de leurs maisons n'ont pas été dimensionnés pour résister à d'abondantes chutes de neige. Mais j'ai lu que les secours avaient mis des heures à arriver (sept heures, je crois). Les pouvoirs publics n'avaient même pas pris le soin d'avertir la population de faire un peu gaffe, de recommander aux gens de rester chez eux. Cette vague de boue est arrivée sur une place de marché noire de monde, tout simplement. Un Algérien disait "tout ce qu'on su faire les responsables, c'est d'avertir les mollah, qui sont allés dans les mosquées inciter les gens à prier pour éviter qu'il pleuve". Si c'est vrai, c'est gratiné. Mais le plus navrant était la réaction d'un responsable du gouvernement, se hasardant enfin à visiter les lieux. Questionné à propos de cette catastrophe par une journaliste française, il répondit :

 - Est-ce que vous n'avez pas vous aussi dans vos villes des boulevards qui sont construits sur les lits d'anciens cours d'eau ?

  Ma belle-soeur Babette, présente et pied-noir explosa immédiatement.

 - Ca c'est typique de la mentalité de ces gens. Ils ne sont jamais responsables de rien. Quand on leur désigne leurs manquements, au lieu de répondre "oui, nous avons déconné", ils essayent aussitôt de détourner le sujet vers d'autres régions, d'autres ethnies, ou n'importe quoi d'autre ! Depuis qu'on a foutu le camp, l'Algérie, elle est jolie !

   Il est vrai que cela ne donne pas une image très positive de ce régime post-révolutionnaire. Nous avons eu droit à une diatribe en règle de la part d'Edith :

 - Les Arabes ? Ils sont incapables de construire quoi que ce soit. Ils sont juste bons à faire bosser leurs femmes et à jouer aux dominos. Ce sont des gens infantiles, toujours prompts à suivre un leader. Quand les pieds-noirs étaient là-bas, le pays tournait, parce que nous leur disions quoi faire. Tout le monde a voulu qu'on parte ? OK. Mais voyons le résultat : c'est une catastrophe. Ils s'égorgent entre eux. Dans les sphères politiques, la corruption règne. Ce pays ne semble plus avoir aucun avenir. En fait, les arabes ne sont bons qu'à se plaindre, éternellement. En France, ils se plaignent. Je ne les mets pas tous dans le même sac, certes, mais c'est dans leurs gènes. C'est jamais de leur faute.

   Drôle de gens, quand même, non ? Regardez l'Afghanistan. Il y a moins d'une semaine les rues de Peshawar étaient emplies d'une foule hurlante, brandissant des portraits de Ben Laden. Des mollah appelaient à la guerre sainte, au Jihad, dans les termes les plus violents, en brandissant et en agitant un index vengeur. Des troupes armées se préparaient pour aller rejoindre les Talibans, sur le front. Ils avaient tous l'air décidés à mourir pour leur cause sacrée, comme un seul homme. Et puis les Talibans se sont sont mis à se sauver comme des lapins. De coup, plus personne dans les rues des villes du Pakistan. Le Jihad ? Oublié. Les mollah ? Partis à la pêche.
   La vérité est que l'aide d'Allah, quand on se fait pilonner par les cargaisons de bombes des B-52, finit par sembler peu efficace. Quand on regarde ce qui se passe dans les villes, c'est encore plus étonnant. Hier j'ai vu un film pris par un cameraman civil, depuis son balcon. Il filmait en vidéo le départ des Talibans, en bon ordre, dans leurs voitures et leurs 4 x 4, quittant Jalalabad, je crois, ville que "l'Alliance du Nord" arrivait investissait quelques heures plus tard sans tirer un coup de feu. Tout cela alors qu'on nous annonçait "une résistance très vive de la part des Talibans". On essaye de suivre et on est un peu dérouté, non ?
   Ce n'est pas tant les volte-face de cette histoire qui m'impressionnent que celles des populations. Là encore, nous avons eu le son de cloche de Babette :

 - Il n'y a pas à s'étonner. Ces gens n'ont pas de véritable structure, ni morale, ni politique, ni même .. religieuse. Ils sont manipulables à merci, comme des enfants irresponsables. Le mot "démocratie "est pour eux totalement vide de sens. D'un groupe émerge un leader, qui a une grande gueule. Immédiatement, celui-ci devient capable d'entraîner la foule dans n'importe quelle direction, vers n'importe quels excès. En Algérie, on disait "qu'ils se chauffaient". Il faut avoir vu une foule hurlante parcourir une ville et égorger des malheureux, rencontrés sur leur passage. Ca fait peur. Moi, j'ai connu cela. Nous avons eu un fanatisme de gauche, piloté par le FLN. Maintenant, ce sont les mollah qui les "chauffent", mais cela fonctionne de la même façon. Le FLN, aujourd'hui, dites-le moi, c'est quoi ? Où sont les idéaux politiques, les plans, les projets de société ? Il n'y a plus rien. C'est de la mousse, tout cela. Quand je vois les rois du pétrole, en Arabie Saoudite, avec leurs Rolex en or serties de diamants, je sais que personne ne parvient à s'imaginer que ce sont encore des bédouins, dans leur tête. S'il n'y avait pas des techniciens étrangers pour leur extraire leur pétrole, ils ne seraient même pas capables de le faire.

   L'explication se trouve-t-elle dans le Coran ? Je m'interroge. J'avoue ne pas avoir encore réussi à décanter ces mille et quelques versets. Vous en citez deux, qui disent une chose, mais j'ai l'impression qu'on pourrait en trouver deux autres, quelques pages plus loin, qui diraient l'inverse. Je me souviens avoir discuté une fois avec un chauffeur de taxi, musulman pratiquant, qui me disait que quand il prenait le Coran en main, il était si ému qu'il se mettait à trembler. Je me hasarderais à avancer un qualificatif : émotionnel. Par rapport à ces musulmans, à ces arabes, nous sommes pratiquement de froids nordiques, moins sensibles à ces vagues de réactions émotionnelles.
    Mais, en fouillant dans ma mémoire, je vois que nous sommes immédiatement incités, nous, occidentaux, à balayer devant notre porte. Il suffit de voir un film d'archives pour découvrir d'autres foules hurlantes, qui habitaient plus au nord et, souvenez-vous menaient un autre Jihad, derrière un sacré mollah prénommé Adolf.

   Qu'est-ce qui amène des foules à "s'embraser" comme ça ? Il y a une telle similitude entre le nazisme et l'extrémisme religieux qu'on est tenté de se dire qu'il doit y avoir, là-dessous, un mécanisme commun, bien qu'Hitler n'ait jamais promis à ses fidèles un place dans un quelconque paradis National-socialiste. Visiblement, on peut entraîner des gens à se sacrifier sans leur promettre quoi que ce soit, ce qui est encore plus fort. Dans ce raisonnement, j'ai parfois l'impression, comme dans un puzzle, qu'une pièce manque.

   Il y a un truc qui devait être gratiné, il y a une douzaine de siècles, en parlant de "froids nordiques", ce sont les Vikings. On a repassé ces jours derniers le film qui porte ce nom, avec Kirk Douglas. Vous connaissez la conception que ceux-là se faisaient de la vie après la mort ? L'essentiel était de périr en combattant. Peut importait le combat et sa finalité. Le guerrier était alors accueilli au Wallalah, par des Walkyries entourant leur dieu Odin, évidemment dieu de la guerre. Sa vie était alors rythmée par ce qui pouvait être le rêve de tout guerrier. Le jour, ils s'entre-tuaient sans merci. Le lendemain, les morts ressuscitaient, comme ça ils pouvaient recommencer éternellement. Pendant les pauses ils pouvaient s'enivrer et sauter des ribaudes. Imaginez une seule seconde des types convaincus que, pour eux, ça marche comme ça. Imparable. Le Jihad, à côté, c'est pâlot. Les hordes viking qui déferlaient quelque part devaient faire trembler les gens et effectivement tout le monde tremblait dès que leurs cris de guerre se faisaient entendre.
     La nouveauté, de nos jours, c'est l'action commando-suicide avec paradis garanti.

    Mais il y a quand même quelque chose de bizarre, dans toute cette affaire. Il y a une semaine j'entendais un pauvre gosse de "l'Alliance du Nord", qui ne devait pas avoir plus de treize ou quatorze ans, répondre à une journaliste : "Si je meurs ? Pas de problème, je vais immédiatement au paradis d'Allah". Attitude identique dans le camp adverse, avec même cri de ralliement "Allah akkbar !". Dans ces conditions, pourquoi les Talibans ne se sont-ils pas faits tuer sur place ? Si vous comprenez, vous m'expliquez. Apparemment il y a des situations où la mort peut avoir une vertu canonisante et d'autres où il vaut mieux prendre ses cliques et ses claques.
    Les peuples fonctionnent décidément de manières très variées. Les Japonais ont produit leurs kamikazes, mais avant de se jeter contre les porte-avions Américains avec leurs avions, ils ne se rendaient pas. A Iwo-Jima les Américains ont découvert cela avec effarement. Dans des bunkers des groupes de Japonais, à court de munitions, se faisaient sauter avec leur dernière grenade, plutôt que de se rendre, car c'eût été "déshonorant". En Afghanistan, les soldats ne se rendent pas, ils ne désertent pas, ils changent de camp, en bloc, et ça ne date pas d'hier. Toute la troupe tourne casaque d'un coup : le commandant et ses hommes. Pour nous, c'est une peu compliqué à comprendre, non ? Ce sont des guerres où il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les méchants. Il y a d'un côté les gagnants et de l'autre les perdants. En somme, c'est le gagnant qui gagne, puisque tout le monde se met de son côté. Comme vous le notiez avec justesse, il n'y a pas à chercher à comprendre, puisque de toute façon se concrétise ainsi, quelle que soit l'issue, la volonté d'Allah.
   J'ai entendu hier un truc complètement fou. La plupart des Afghans ne savent pas lire. Les journaux racontent déjà pas mal de conneries, dans tous les pays, mais quand on accède à l'information en seconde ou troisième main, ça devient surréaliste. Un journaliste s'est ainsi fait expliquer par un homme vivant dans un camp de réfugié "qu'à Kaboul l'Alliance du Nord avait permis aux communistes de reprendre le pouvoir".

    Dans ces courriers, nous tenons une sorte de chronique et vous jouez le rôle de l'archiviste. Finalement, c'est assez amusant de tenir cette sorte de journal, à deux. Je vous sais gré de m'envoyer par voie postale des sorties imprimées de nos courriers et je vous admire d'avoir le courage de retaper tous mes écrits sur votre machine. Un jour il faudra que je m'arme de courage, que j'entre dans le cybercafé de la ville voisine et que je compose les instructions que vous m'avez communiquées, jointes à votre dernière lettre. Alors, dites-vous, je pourrai voir tout cela sur écran, notre prose, lue par d'autres ? Ca n'a pas l'air bien sorcier, d'après ce que vous m'en dites et, en principe, je ne suis pas un demeuré complet. Je n'ai simplement jamais éprouvé le besoin d'utiliser ces machines avec lesquelles vous semblez jongler, simplement parce qu'à l'époque où j'étais encore en activité elles avaient plus l'image d'outils de gestion et coûtaient un peu plus cher. Ce qui m'intrigue c'est cette affaire de courrier électronique. Mais, quand on y songe, le fax était déjà quelque chose de tout à fait extraordinaire, comme il y a un siècle le téléphone.

    Ces événements d'Algérie m'ont rappelé un drame plus ancien, celui d'Orléanville. Vous savez peut-être que cette ville a été pratiquement détruite par un séisme. Il y a eu un nombre très important de morts. C'est différent au sens où les séismes sont difficilement prévisibles. Il y en a qui ne donnent aucun signal d'avertissement. Une secousse monstrueuse arrive et quelques secondes après il y a dix mille morts. Un ami de mon frère a essayé pendant des années de promouvoir une idée qui m'a toujours paru extraordinaire. Cela me vient en tête parce que je me dis que nous ne sommes pas, dans cet "atelier", seulement là pour pointer le doigt, fut-ce avec humour, sur toutes les sottises humaines. On aimerait parfois voir émerger des solutions, dans n'importe quel domaine. Cet ami de mon frère avait inventé un procédé de construction absolument révolutionnaire, qui fonctionnait parfaitement. C'était un chimiste. Au lieu de composer des parpaings avec du ciment, il suggérait de produire des éléments de construction standardisés à partir de ... pierres des chemins, broyées, amalgamées avec une résine. Il est allé très loin dans cette voie, a construit de nombreuses maisons-témoins. J'avais même une cassette-vidéo où tout le processus de construction d'une maison, avec ce système, était montré, du début jusqu'à la fin. J'ai retrouvé la copie d'un dossier que mon frère avait apporté, avec les dessins du gars.
    Tout se basait sur une sorte d'usine mobile, de la taille d'une remorque de camion. D'un côté on jetait les débris pierreux les plus divers, qui étaient finement broyés. Au milieu, un "catalyseur" intervenait, amalgamant tous ces débris pulvérulents. A l'autre bout sortaient des sortes de briques de formes variés, selon les besoins. On aurait dit des leggos.

    Selon cet ami de mon frère, le coefficient de dilatation était quasi nul. Ces "briques standards", qui pouvaient s'assembler les unes aux autres par un système tenon-mortaise, sortaient de cette usine mobile avec une précision de quelques dixièmes de millimètre. Pour construire, la seule chose qu'il fallait savoir installer de manière classique c'était une bonne sole en ciment, bien horizontale. Dans le ciment frais on disposait des tiges d'ancrages, qui s'y trouvaient scellées.

   Comme dans toute construction basée sur une sole, on pouvait renforcer celle-ci avec des barres à béton, constituer une assise en ciment armé. Tout le monde sait que dans une sole en ciment on peut mettre n'importe quoi, y compris tous les débris métalliques qui traînent, cornières, poutrelles. Plus il y en a, mieux ça vaut. L'ouvrier pouvait alors commencer à monter ses murs comme un gosse joue avec un leggo. Il y avait des pièces pour les angles, d'autres pour les chambranles de portes. Une fois que la sole de ciment était en place, cela devenait .. enfantin. Des pièces constituaient les dessus de portes et de fenêtres. Des pièces en "T" permettaient de créer des amorces de cloisons intérieures, un système de pièces indépendantes. L'ami de mon frère avait démontré que l'on pouvait, à travers des stages, former des constructeurs de maisons beaucoup plus rapidement, selon cette formule, qu'on aurait pu le faire avec des apprentis-mâçons.

   Quand la structure de la maison était montée commençait un autre type de travail. Les pièces d'angles, creuses, de même que les éléments entourant les ouvertures permettaient d'y loger des barres à béton et d'y couler du ciment. Ainsi les empilements de leggos des quatre coins devenaient des piliers solides. Les éléments reposant sol le sol avaient déjà, quant à eux, été rendus solidaire de la sole en noyant les barres dans du ciment. On logeait de nouvelles barres dans la gouttière formée par l'assemblage des éléments du dessus et on les coulait dans du béton. Un maçon dirait qu'on constituait ainsi un "chaînage" très efficace.

Vue schématique du chaînage, c'est à dire des éléments rendus solidaires par des tiges de fer à béton scellées

   En regardant la vue ci-dessus, il faut imaginer la maison complétée par ses murs, faits d'éléments-leggos assemblés. C'est très schématique, mais dans cette affaire, tout était conçu comme un "Meccano" de manière à ce que des éléments standards de plomberie, d'alimentation électrique, d'attaches de portes, de fenêtres et de volets puissent être intégrés à l'a construction, évidemment standard. La précision d'assemblage rendait la maison convenablement étanche au vent et à la pluie. Mais elle avait surtout un avantage étonnant : étant "déjà fissurée", et devenait ainsi remarquablement antisismique. Quand il y a un séisme, les murs se brisent et se renversent sur les gens, en les tuant. Là, aucune fissuration ne pouvait se propager, puisque l'ensemble des murs et des cloisons comportait un système complet intégrant une infinité de "fissures préexistantes". Le tout étant tenu par ce système de chaînages. Les murs étaient capables de subir des déformations sans se disloquer, donc d'absorber de l'énergie. J'ai vu des essais réalisés sur ces maquettes qu'on secouait de toutes les manières imaginables. Impossible de la mettre à bas. A la limite les murs oscillaient, c'était tout. L'autre intérêt était de pouvoir reconstruire un village détruit par un séisme en utilisant les décombres eux-mêmes et en les recyclant. Il m'est arrivé de voir des images de régions chinoises entièrement ravagées par des séismes, qui auraient pu être remises en état en un temps record avec un tel système.
    Au delà de cet aspect antisismique, non négligeable dans de nombreuses régions du globe, il y avait là un procédé original de constructions d'unités d'habitation qui, dans des régions moins vulnérables sur ce plan là, pouvaient permettre d'envisager des édifices à plusieurs étages. Du fait de ce système d'assemblage inspiré des leggos ou des Meccanos, la vitesse d'avancement des constructions était tout à fait remarquable. Les produits chimiques mis en oeuvre pour amalgamer les produits solides de base étaient me semble-t-il, tout à fait courants et bon marché. On peut se demander pourquoi une telle formule n'a pas fait souche dans de vastes régions du globe. La réponse me semble simple : elle aurait conféré aux intéressés trop d'autonomie en leur permettant de construire à peu près n'importe où, en "utilisant les pierres des chemins". Mon expérience d'ingénieur-conseil m'a montré pendant de longues années que l'homme cherchait avant tout à maximiser un profit, non à opter pour la solution d'un problème la plus adéquate et la moins coûteuse.

   Je reprends de courrier, bien qu'il soit assez tard. J'ai encore regardé une émission à la télévision. Il n'y a pas que des âneries, dans cette boite vitrée, à utiliser avec les plus grandes précautions. On peut y apprendre des choses essentielles, déterminantes, même si le but n'était pas exactement celui-là. J'ai vu un reportage fait dans une prison d'Afrique du Sud où ont été regroupés, de longue date, les pires criminels du pays. Avant la chute de l'Apartheid, le gouvernement Sud-africain avait mis en place un système carcéral des plus simplistes. Le lieu était conçu comme un camp de concentration. De toute manière, tous les individus qui y étaient incarcérés, à cent pour cent des noirs, n'étaient pas destinés à être libéré un jour. Il suffisait donc, grâce à un système d'enceintes concentriques électrifiées, de rendre impossible toute évasion. On fournissait ensuite de la nourriture à ce troupeau humain. Le directeur, un blanc, habitait à l'extérieur de cette enceinte. Un chiffre extrêmement parlant : un gardien pour cent détenus, armées d'un simple bâton et d'une paire de menottes. Comment cette prison, installé depuis des décennies, s'était-elle organisée ? De manière extrêmement structurée, en s'inspirant de l'architecture sociale déjà présente dans les ghettos noirs du pays. Dans la prison, des gangs, les "nombres" : le gang numéro 28, le gang numéro 45, etc. Pour les résidents de ces prisons, deux choix possibles : appartenir ou ne pas appartenir à l'un de ces gangs. Pour faire partie de ces structures, un seul critère : avoir tué à l'intérieur de la prison. Un meurtre rituel visant un détenu choisi au hasard était la cérémonie d'intronisation. Les armes : des lames de rasoir montées sur des manches en plastique de brosses à dents, par simple chauffage. Un détenu raconte :

 - On crève d'abord un oeil. Comme l'homme a immédiatement le réflexe de porter ses mains à son oeil blessé, on peut lui trancher la carotide. C'est un simple coup à attraper. Quand on commet de tels meurtres, il faut être nu, pour éviter que le sang du condamné ne salisse vos vêtements.

   Une enquête à l'intérieur de la prison ? Jamais. Les blancs lorsqu'ils enfermaient dans ces prisons tous ces noirs décidaient une bonne fois pour toutes de s'en désintéresser complètement. Les "surveillants" se bornaient à constater les meurtres et à faire évacuer les corps. Eux-mêmes, d'ailleurs, étaient périodiquement assassinés, dans l'indifférence générale de l'administration pénitentiaire blanche. Sous l'objet de menaces, les gardiens assuraient l'entrée de drogue dans l'enceinte de la prison. Pourquoi des gens acceptaient-ils des métiers aussi risqués ? Parce qu'il ne s'agissait que d'un choix entre une misère ou une autre. Dans les ghettos, les choses se passaient exactement de la même façon.
    Premier constat : ce genre de dérive s'implante plus volontiers dans les milieux humains où règne la misère. Quand la nourriture ou les biens de consommation manquent, les gens finissent rapidement par s'entre-tuer. Mais cette violence peut naître également chez des nantis. Dans la prison Sud Africaine, le menu était spartiate, certes, mais la famine ne sévissait pas. Quant aux biens de consommation, il n'y en avait pratiquement pas. Restait l'ennui, et surtout quelque chose qui me semble être la clef de nombreux comportements humains : le besoin impérieux d'une structure, n'importe laquelle. Une structure qui implique une hiérarchie, en l'occurrence implacable. D'où l'apparition spontanée de ces gangs dotés de chefs aux pouvoirs absolus et aux prétentions territoriales :

 - Je décide, dit l'un d'eux, sans le moindre complexe, qui doit manger et qui restera à jeun, qui vivra et qui mourra, qui servira de "femme" aux autres. Je pense que les chefs des gangs ont été mis en place par Dieu.

   Et nous y voilà. Le concept de respect de la personne humaine disparaît totalement. L'individu est totalement dévoré par la structure qui l'absorbe. Même le leader, le chef du gang, devient prisonnier de celui-ci. Il a souhaité acquérir ce statut, en abandonnant tout ce que nous qualifions "d'humanité" (mais nous gagnerions, ce me semble, à définir ce mot). Ce faisant il s'est totalement abandonné aux règles de fer du gang, qui semblent exister indépendamment du groupe-lui-même. Les réponses extrêmement spontanées et naïves de ces chefs de gangs, interviewés, trahissent la dénaturation complète des êtres humains qui vivent dans ces mondes carcéraux. L'absence totale de "règlement intérieur", voulue par l'administration pénitentiaire blanche, avant que l'on ne se s'en prenne à l'Apartheid, permet toutes les dérives. C'est absolument semblable à ce qui se passait dans les camps de concentration Allemands, pendant la guerre où les êtres humains qui y étaient incarcérés perdaient leur statut, devenaient des "untermenchen", des "sous-hommes", moins que des animaux. Des "médecins nazis" pouvaient donc s'y livrer à des "expériences". Le système engendrait une organisation fondée sur les "kapos", détenus mieux nourris et doté d'une espérance de vie accrue, relayant la férocité d'une organisation n'ayant pour seule fin que l'exploitation des machines humaines jusqu'à l'extrême limite de leur résistance, puis leur extermination et leur "recyclage" (dents en or, cheveux). Dans ces comportements, qui nous semblent aberrants, de "tortionnaires" locaux, je ne vois qu'un retour à un stade infantile. L'homme qui mutile un prisonnier n'est alors plus différent de l'enfant qui arrache les ailes de l'insecte avec lequel il "joue". La présence d'uniformes crée la différence. Pour les gardiens nazis, un uniforme noir, pour les prisonniers : des loques à rayure. Dans l'inconscient de ces hommes il y a alors apparition de deux espèces différentes, dont l'une a simplement une espérance de vie plus faible que l'autre.
    Où se situe le dénominateur commun avec l'organisation de la prison Sud Africaine ? Il y a des structures, c'est tout. Les espèces animales ont les leurs. Les animaux isolés défendent des territoires. Les animaux grégaires se rassemblent et vivent des lois très strictes dont la finalité nous échappe très souvent. On peut tenter d'expliquer ces lois en invoquant des considérations de sélection naturelle ou de limitation des naissances. J'ai un ami, un ancien diplomate, qui a vécu longtemps en Tanzanie. L'étude des comportements animaux l'a toujours passionné. Il me dit avoir vu dans le bush une gazelle mâle entourée par un harem de vingt à trente femelles, alors qu'à distance se tenaient d'autres mâles privés de la possibilité de se reproduire. S'agissant de la limitation des naissances, un des comportements les plus fréquents se traduit souvent, dans des hordes de prédateurs, par la présence d'une femelle dominante, comme par exemple chez les cynhyènes, ou lycaons, sortes de chiens sauvages tachetés à grandes oreilles qui chassent en meute comme les loups. Au gré de combats très violents une femelle acquiert ce statut de dominante qui lui conférera une exclusivité de procréation dans sa meute. Les autres femelles peuvent être couvertes, donner naissance à des petits : la femelle dominante dévorera ceux-ci dès leur sortie du ventre de leur mère, dans l'indifférence générale. A moins que celle-ci ne se rebelle et ne remette alors en question le statut de la femelle dominante. Auquel cas le combat sera immédiat et le plus souvent mortel.
    En voyant cela, on se situe au delà du bien et du mal, on parle alors "d'instinct", on invoque quelque logique de limitation de la population dans cette espèce. On oublie au passage que les prédateurs sont des limiteurs de populations par définition. Il n'existe pas de rituels de ce genre chez ceux qui sont destinés à être dévorés, qui constituent une simple réserve de protéines pour les prédateurs, lesquels se combattront entre eux pour conquérir ou préserver un territoire nutritif. Les lycaons sont des prédateurs. Ils ne sont pas la nourriture ordinaire du lion. Véloces et de petite taille, capables de se défendre en bandes, ces animaux sociaux sont des proies "compliquées". Un jeune gnou ou une antilope sont plus faciles à attraper.
    On oublie volontiers que l'homme est un ancien animal. En revendiquant de nouveaux territoires, un nouvel "espace vital", et en envisageant tout simplement d'exterminer leurs anciens occupants (les slaves, à l'est), les nazis n'ont fait qu'opérer un retour à l'animalité, en suivant une logique darwinienne. Le racisme, érigé en dogme, ne fait que consacrer la séparation d'ethnies humaines en espèces différentes. Il y a des espèces dominantes, des espèces dominées, des espèces à éliminer, c'est tout. Regardons la manière dont nous traitons les animaux. Il y en a que nous mangeons, après les voir tués de sang froid. Il y a ceux qui nous fournissent du lait, des oeufs, de la laine avec laquelle nous fabriquons des vêtements. Avant que nous ne découvrions les vertus de la vapeur, puis des hydrocarbures, d'autres nous fournissaient leur force de travail. En échange, nous leur donnions le droit de survivre et de se reproduire, de manière très contrôlée. Sur Terre, si on élimine le meurtre et l'anthropophagie, tout fonctionne de la même manière sous le couvert d'un "organisation sociale" très complexe. Les idéologies, les religions, les constitutions, les lois, les titres de propriétés, les règles fixant l'héritage sont là pour assurer une stabilité consensuelle. Quand, quelque part, apparaît un déséquilibre, un réajustement apparaît, que nous nommons "émeute", "guerre" ou "révolution".
   Ce qui m'a fasciné dans ce reportage sur cette prison Sud-africaine, c'est que nulle pression ne s'exerce a priori sur cette communauté carcérale. Ces hommes sont simplement totalement livrés à eux-mêmes. A la limite on peut envisager, dans la mesure où la prison fournit de la nourriture en suffisance que la satisfaction des besoins sexuels restait le seul problème à résoudre, évidemment par l'homosexualité, vécue comme un acte d'une banalité absolue, et déjà présente dans le ghetto d'origine, comme la prostitution, considérée comme un simple moyen d'existence. Les hommes sont donc totalement libres d'engendrer la structure de leur choix, inutile, sans réelle fonctionnalité, puisqu'il n'y a aucun lieu paradisiaque dans cet enfer de béton et d'acier. Les territoires ne sont que partiellement géographiques, ils sont surtout sociaux. Ce sont des architectures fondées sur la dominance, qui permettent à chacun de trouver sa place, de recréer un jeu ou des enjeux. Chacun, de nouveau, existe par rapport à l'autre. La structure devient plus forte que l'individu.

    Dans votre lettre vous avez pas mal parlé de votre vision de la vie après la mort. Vous écrivez :

 - Vous me demandez si j'opterais pour la vie éternelle ?

    Question à laquelle vous avez répondu, comme à votre habitude, de manière désopilante ( "A priori, je suis ouverte à toutes les propositions, je vais envoyer mon CV avec une lettre de motivation" ) au point que je me demande parfois si vous ne seriez pas la fille naturelle de Woody Allen.
    Avez-vous remarqué que dans ce que j'évoque ici, dans cette prison, les gens se foutent éperdument d'une quelconque vie après la mort, tant ils sont préoccupés de leur survie au quotidien. Notez que créer ainsi une telle urgence est une façon comme une autre d'évacuer le problème, inconsciemment.
     Je repense soudain à un passage de l'Ancien Testament, à l'histoire de Jephté. Ce Juif, fils de prostitué, a réussi à s'imposer en tant que chef de guerre. Un jour, partant en campagne, il "jure devant l'Eternel" de sacrifier la première personne qui viendra à sa rencontre à son retour si Yahvé lui donne la victoire. Le sort des armes lui est favorable mais, quand il revient dans son village, le premier être humain qui vient à sa rencontre est sa propre fille. Il a juré, il doit mettre son serment à exécution. Sa fille lui demande simplement un petit délai "pour prendre congé de la vie". Celui-ci étant écoulé, il l'égorge dans les règles de l'art. Or ceci intervient à une époque où nulle mention d'un quelconque devenir post mortem n'a encore été évoqué dans l'ouvrage. Dans le monde hébraïque ancien, si la soumission à Dieu doit être totale, personne ne semble se soucier de ce que l'on peut devenir après sa mort. Le "Shéol", monde souterrain où atterrissent les défunts appartient au monde des croyances traditionnelles. Ca n'est pas spécifiquement hébraïque. Dans cet Orient ancien, certains empaillaient, bitumaient leurs morts, d'autres "les nourrissaient". Dans ce Shéol les morts vivaient comme dans leurs tombeaux, pédalaient dans l'obscurité, dans la poussière et "ne célébraient pas Dieu". Il n'y avait ni récompense, ni punition post-mortem, ce qui fait qu'on peut s'interroger sur le geste de Jephté. Pourquoi n'avait-il pas d'autre alternative ? Il aurait pu à la limite se suicider, pour ne pas avoir à tuer sa fille. Mais peut-être un autre membre de sa famille ou de son village aurait-il pris le relais, pour que la honte ne frappe pas le village, ou la malédiction du terrible Yahvé.

   Revenant à cette prison d'Afrique du Sud, des lois implacables planent au dessus de ces gangs en les "animant", en créant toute leur dynamique. Je trouve cela personnellement fascinant. Un chef de gang, régnant grâce à une terreur consensuelle, ne dort pas avec une kalachnikof sur le ventre. Les détenus s'entassent à quinze ou vingt par cellule. La nuit, n'importe quel autre détenu pourrait lui trancher la gorge d'un coup de rasoir. Mais il ne fait pas car alors il déclencherait une guerre de succession dommageable où lui même risquerait d'y passer. Au delà de cette prudence il y a l'homéostasie de la structure.
    On parle de cellules sociales. Le mot n'est pas choisi au hasard. Le vivant s'organise en cellules, avec partage des tâches. Chacun sa place, chacun son job. Nous sommes nous-mêmes des prisons pour cellules. Dans nos vaisseaux des globules blancs, des lymphocytes se baladent, comme des flics en moto, en traquant les intrus ou les indésirables. Ils adhèrent sans arrêt aux cellules qu'ils rencontrent sur leur chemin pour un rapide contrôle d'identité. Cela s'effectue au moment du contact. Toutes les cellules portent des marques d'identification sur la paroi externe de leur cytoplasme. Si le contrôle est satisfaisant, le lymphocyte dit "circulez !", sinon, il tue. Je ne sais pas si vous savez comment un lymphocyte tue, mais c'est assez extraordinaire. J'avais lu cela dans un numéro de Pour la Science il y a quinze ou vingt ans. Les bactéries et les virus passent leur temps à muter. Si les lymphocytes les attaquaient par voie biochimique ceux-là trouveraient vite la parade. Apparaîtraient rapidement de nouvelles générations insensibles à ce poison-là. La mise à mort est donc mécanique, s'effectue "à coup de surin". Les lymphocytes, essentiellement les T4, n'ont pas "un couteau attaché à leur ceinture", ils ont mieux. Tandis qu'ils continuent d'adhérer à leur "client", ils introduisent dans sa paroi cellulaire des molécules allongées de "perforine". Celles-ci s'agencent automatiquement pour constituer des tubes. Le lymphocyte dote ainsi la cellule condamnée d'une demi-douzaine de tubes à travers lesquels elle va fuir. Quand le travail est terminé, la cellule est abandonnée à elle-même et, incapable de se débarrasser de ces étranges rivets, se vide rapidement.
   Les membres d'un gang se respectent et même se soutiennent, car ils savent qu'ils n'existent qu'en tant que groupe. Dans cette prison, un individu isolé est un mort en puissance, une proie, un objet sexuel. Si la nourriture venait à manquer, on peut supposer que ces gens s'entre-dévoreraient.
    Dans ce reportage fascinant on évoquait une tentative de rééducation de tels prisonniers, après abolition de l'Apartheid. Dans le cas de certains, peut être moins coupables que d'autres, une libération semblait même apparemment envisagée. Et c'est là que j'ai trouvé le contenu de cette émission tout à fait extraordinaire. Un détenu concerné, couverts de tatouages destinés à réaffirmer son appartenance à un gang, voyait sa situation de prisonnier soudain remise en question. Il était alors pris de panique, prêt à s'inventer des crimes qu'il n'aurait pas commis pour éviter sa remise en liberté, après tant d'années passées dans cette prison. On arrive donc à l'extrême limite de l'aberration. Un ensemble d'hommes a sécrété une structure, comme un mollusque sécrète une coquille ou un mammifère un squelette. Ceci semble être une tendance absolument impérieuse chez la plupart des hommes vivant sur cette planète. Pour la plupart, rien n'est plus angoissant que d'être un individu livré à lui-même. La structure, le groupe, devient un système d'identification, concrétisé dans cette prison par des tatouages mais qui, ailleurs deviennent uniformes, attitudes, titres, éléments de langage et en général tout système de reconnaissance. Dans cette prison un tel système peut devenir si fort, s'ancrer si profondément dans l'être que le fait de s'en extraire devient anxiogène, éventuellement intolérable.
    A travers cela, j'essaye de comprendre le "phénomène Taliban". Il me semble que la religion devient alors un prétexte. Des règles de fer naissent, qui s'assemblent en constituant une structure. Les mollah deviennent des "seigneurs de la religion" comme d'autres deviendraient des seigneurs de la guerre. Toute une pyramide hiérarchique s'instaure. Les représentants du Ministère du Vice et de la Vertu pourchassent les images, la musique, les cerfs-volants. Il devient interdit de rire. Les gardiens de cette orthodoxie imbécile s'identifient eux-mêmes à ce mouvement. On trouvait un phénomène similaire chez les Gardes Rouges, lors de la révolution Culturelle en Chine. Pour stabiliser le tout, un bouc émissaire est bienvenu. Chez les nazis, c'était le juif. Dans la Chine de Mao on chassait le "révisionniste". Là, c'est "l'Amérique", qui resta sans doute une complète abstraction chez beaucoup de ces gens, y compris chez leurs mollah. Ce que je ressens, c'est cette interdépendance complète entre les troupes d'un tel mouvement et leurs leaders. C'est pour cela que c'est aussi instable. Mais cette instabilité n'empêche pas que cela puisse être très dangereux. Finalement, ce qui tend à émerger n'importe où (et nous ne sommes pas a priori vaccinés contre une telle chose), c'est la connerie, tout simplement, qui démontre son extraordinaire faculté morphogénétique. Ce qui est vexant c'est de constater que la connerie est intelligente, qu'elle tend à créer des structures relativement compliquées, bien que non-fonctionnelles à terme. Les Talibans n'auront rien fait d'autre que d'accroître la ruine de leur pays.

   Ca c'est de la connerie médiévale, fruste. Mais celle-ci existe à tous niveaux. Les Américains, quand ils ont envisagé de favoriser l'installation des Talibans au pouvoir, simplement parce que le gazoduc issu du Turkménistan pouvait gagner un port à créer sur la côte Pakistanaise, en traversant leur territoire, à l'ouest de l'Afghanistan, ont mis en oeuvre de la connerie de haut vol. Je pense que nous allons devoir étudier la connerie, à la loupe, sous toutes ses formes, en cherchant en particulier pourquoi elle se manifeste avec autant de vigueur. Je vous dévoilerai un jour mon idée.

    A mon avis la connerie a une origine métaphysique.

 

              Amicalement                                                                  Félix

 

 

 

à compter du 17 novembre 2001