L'Angerie, 14 déc 2001

 

    Chère Elisabeth,

  Je relis votre dernière lettre. Je me sens un peu gêné car j'ai l'impression d'avoir touché un point sensible, sans le vouloir. Votre texte témoigne aussi d'un malentendu entre nous.
   J'ai lancé quelques idées, pour en débattre, comme un joueur qui distribuerait des cartes. Je vous vois alors reprenant ces thèmes avec méfiance, sans doute parce que vous vous faites de moi une idée un peu fausse. C'est un peu normal si on imagine "quelqu'un qui a un nom à particule et qui vit dans un château". Je vous concède qu'il y a beaucoup d'imbéciles dans cette faune-là. Il existe tout un pan de ma (vaste) famille qui ne vaudrait même pas la mention d'une ligne dans nos courriers. Mais l'expérience m'a montré que s'il y avait "des cons de riches", il y a aussi des "cons de pauvres".
   Ca n'est pas moi qui suis l'auteur de cette formule, c'est Jean Gabin, dans le film "la Traversée de Paris". Dans ce scénario Bourvil fait du marché noir. Il traverse donc Paris avec deux valises pleines de viande, denrée recherchée à cette époque-là. Gabin, personnage un peu mystérieux, l'accompagne. Je ne sais plus très bien comment s'est opérée la rencontre de ces deux-là. Ils échappent à quelques patrouilles Allemandes (la nuit, le couvre-feu est de rigueur). A un moment ils sont dans une café, avec "de bons français". Ceux-ci les questionnent sur leur étrange voyage nocturne. Une des valises se trouve ouverte, je ne sais plus par qui ni pour quelle raison, et Gabin dit aux personnes rassemblées dans le café :

- Allez-y, servez-vous. Il y a du boeuf, des saucissons. On vous les offre. Il n'y a aucun risque. Allez-y, nom de Dieu !

    Mais personne ne bouge, personne n'ose. Quelqu'un qui offre en pleine guerre des marchandises aussi recherchées, ça n'est pas normal, cela doit cacher quelque chose. Alors Gabin lâche, méprisant :

- Cons de pauvres ! ....

    Un Gabin qui, dans le film, n'était pas "aristo" mais portraitiste. En tout cas, les voyages que j'ai pu effectuer dans les différentes couches de la société m'ont toujours montré que les pourcentages des différentes catégories : les cons, les imbéciles, les courageux, les intègres, les lâches, étaient les mêmes. Alors ne sortez pas votre Kalachnikov préventivement. Il n'y a pas que des couillons chez "les gens à particules". Nous aussi, nous avons un coeur et un cerveau.

   Eh puis, j'ai l'impression que vous vous méprenez quant au sujet de discussion vers lequel je souhaiterais nous conduire. J'ai parlé paranormal, spiritisme. Vous avez sans doute imaginé aussitôt une bande de "bourges" assemblés sous les lambris, se livrant à quelques expériences, en toute mondanité. Mais je souhaite par ce biais aborder des questions autrement plus vastes que celles de nos misérables petites existences humaines. Vous verrez plus loin.

    Je ne souhaitais pas vous donner "une leçon de paranormal". Vous m'avez parlé de votre passé le plus intime. Je vous remercie de m'avoir accordé cette confiance. Vous êtes donc sujette à des crises d'épilepsie. J'ai peu d'expérience en la matière. Je sais seulement qu'un jour j'ai vu un homme, sur un grand boulevard Parisien, tomber comme une masse et être pris de tremblements. Les gens de la terrasse de café voisine l'ont regardé avec curiosité. J'ai tout de suite compris et j'ai réclamé la serviette du garçon pour la lui glisser entre les deux dents et éviter qu'il ne se morde la langue, puis j'ai demandé que quelqu'un appelle police secours ou le Samu. Si je n'avais pas fait cela, je suppose que ce pauvre homme serait resté là, spectacle de choix pour ces gens attablés.
    J'ai une autre histoire, très triste celle-là. J'avais un ami biologiste qui avait un fils épileptique. Il s'était orienté vers la neurologie. Le gamin, qui avait vingt ans, souffrait de ce qu'il percevait comme une infirmité et souhaitait le plus possible "vivre comme les autres jeunes". Un beau jour il s'est ... noyé dans la piscine, sans crier gare, à quelques mètres du reste de la famille. Personne n'avait pensé qu'un épileptique qui se baigne doit être équipé d'une mae west ou rester sous surveillance. Mon ami sorti de cet épisode broyé à vie.

    Ainsi votre cerveau vous aurait joué des tours. Mais qu'est-ce qu'un cerveau ? J'ai rencontré un jour un jeune Allemand, qui était "calculateur prodige". Il devait avoir dans les trente ans. Très sympathique, et extrêmement spectaculaire sur scène. Son cerveau avait de vastes pans de mémoire occupés par d'immenses tableaux de chiffres. Pourquoi ? Mystère. Mais il parvenait tant bien que mal à "assumer sa différence".
   A vous entendre, vous êtes aussi différente. Il y a dans votre récit des éléments qui se réfèrent à des tas de choses classées depuis des lustres, comme le fait de ne pas pouvoir nommer des objets que l'on voit. On relie cela en principe à des difficultés "d'interface" entre cerveau droit et cerveau gauche. Le votre semble sujet aux faux-contacts. Ca ne doit pas être drôle tous les jours, d'autant plus que l'entourage a sans doute du mal à comprendre ce genre de singularité, vite assimilée à une sorte de "folie contagieuse", pour reprendre votre propre expression. Vous écrivez :

- Le cerveau des épileptiques est ingrat, qui bat son hôte de corps jusqu'au supplice.

    Je ne vois guère de phrase de commentaire à ajouter à vos confidences. Je ne voulais pas "vous pousser dans vos derniers retranchements". Mais le cerveau est-il "de l'électronique de pointe" ?

    Vous évoquez les prémonitions en signalant la vanité des messages reçus. Je connais une personne qui vit ce genre de chose presque au quotidien. Elle devine les numéros des plaques minéralogiques des voiture garées au coin de la rue. Ca n'est pas un artefact : elle a même fait l'expérience, avec moi, de les noter sur un papier avant de les découvrir. Il y a cela et d'autres choses toutes aussi dérisoires. Par contre, impossible de prévoir un numéro de loto, par exemple, quelque chose qui puisse être réellement utile ou profitable. On se croirait plongé dans le monde d'Alice au pays des Merveilles, en s'attendant à voir surgir à tout moment un chapelier fou et un lapin. Il ne reste plus qu'à prendre les choses avec humour. Mon amie pense que c'est "son ange gardien" qui lui communique ces messages. Etrange service. Qu'est-ce que ce type-là faisait de son vivant ? contractuel; peut-être.

    Je suis d'accord avec vous : se lancer dans une grande études sur le paranormal finit souvent en eau de boudin. Il existe une revue de l'association Ian Karadec, qui s'intitule, je crois, "La revue de l'association spirite". Les "spirites de France" y publient des articles, ennuyeux à périr. On a envie de dire : à quoi cela sert-il ? A quoi cela rime-t-il ?. Maisons hantées, esprits frappeurs, poltergeists, etc. On verrait très bien dans cette revue des rubriques comme "la prémonition du mois" ou : "maisons hantées : nous avons testé pour vous...."

   Vous m'avez vu me jeter à l'eau en balançant, trop vite peut-être, des idées concernant un monde physique et un monde "éthérique" ou "astral", selon le nom qu'on lui donne. Il y avait aussi quelques (vagues) idées concernant le devenir post-mortem. Cela s'est tout de suite mis à ressembler pour vous à des discussions de salon.

   Vous savez qu'à défaut d'être un scientifique, je suis un "X", ancien ingénieur-conseil, qui a pas mal lu. Je ne suis pas assez naïf pour ne pas me rendre compte que nos scientifiques contemporains ne savent pas grand chose. Il faut être assez candide pour se laisser bercer par les contes d'un Hubert Reeves. Sa "poussière d'étoiles" ressemble beaucoup à ce que distribue le marchand de sable dans "bonne nuit les petits". J'ai appris à le lire et à l'écouter, celui-là. C'est là qu'on s'aperçoit qu'il ne dit rien. Il "dégage", c'est tout. Il a un crâne dégarni et une barbe, plisse ses yeux, a tenu après 40 ans de séjour en France à conserver son accent canadien. Ca lui a un peu passé, mais pendant des années, quand une autre personne sur le plateau parlait, il opinait gravement du chef en signe d'approbation. Il me faisait alors penser à ces petits automates qu'on plaçait dans les églises quand j'étais enfant au moment de Noël, et qui hochaient la tête en guise de remerciement à chaque fois qu'on versait une obole dans une ouverture prévue à cet effet. Tout cela n'est qu'une comédie et je crois que Reeves n'est qu'un comédien, un "représentant en science". Un jour cet animal a d'ailleurs pris un raclée mémorable, il y a une douzaine d'années, dans une émission littéraire animée par le journaliste Michel Polac. Sur le plateau étaient présents des professeurs de philosophie, dont certains étaient venus présenter leurs derniers ouvrages. A un moment l'un d'eux explosa littéralement, s'adressant à Reeves :

- J'ai lu votre ouvrage. Il y a des choses que vous dites qui ont déjà été amplement abordées par Kant, Spinoza, Hegel. Eux, avaient en leur temps brillamment soulevé ces questions. Sous votre plume, celles-ci deviennent des philosophades. Une idée me vient. Dans quelques décennies vous aurez disparu. Je conjecture que si Kant, Spinoza et Hegel resteront dans les mémoires des hommes, personne ne se souviendra plus de vous !

    Il y avait du vrai dans ce que disait cet homme. Ca n'est pas bien de livrer aux gens de la "pensée jetable". En règle générale, nos "grands scientifiques" ont cessé de longue date d'être des philosophes, comme pouvait l'être un Leibniz. Les temps ont changé et les cervelles volent au ras de pâquerettes. Personne n'oserait plus prononcer le mot "métaphysique", véritable tabou. Dès que ce mot est prononcé, on songe automatiquement à des séances de tables tournantes, à des thèmes astrologiques et autres. Et tout cela a mauvaise presse, est relégué dans des librairies spécialisées, véritables ghettos, qui font recette d'ailleurs. Pourtant, quand j'avais fait "mes humanités", le cours de philo comprenait trois sections : "logique", "morale" et "métaphysique". Que reste-t-il de ces trois "disciplines ? Une licence de philo, de nos jours, c'est devenu quoi ?

   Cela me fait penser à la boutade soixante-huitarde :

- Dieu est mort, Marx est mort, et moi-même je ne me sens pas très bien.....

   Vous devez vous dire : il tourne, vire, comme à son habitude, accumule les digressions, les anecdotes et les périphrases, mais où veut-il en venir ?

    J'y viens, Elisabeth, j'y viens....

    Dans un précédent courrier, je chevauchais l'idée (qui n'est pas mienne) selon laquelle deux monde "parallèles" pourraient coexister et interagir, l'un étant notre monde physique et l'autre un supposé monde métaphysique. Notre monde physique est censé obéir à un certain nombre de lois qui lui sont propres. J'avais repris cette hypothèse (d'origine hindouiste) selon laquelle le "monde invisible" pourrait, lui aussi, avoir une nature corpusculaire (les "particules subtiles" des textes dits "ésotériques"). J'avais repris l'idée selon laquelle "tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas", c'est à dire que tout objet ou structure dans l'ici-bas aurait sa contrepartie dans l'au-delà, mais que ces structures du monde invisible ne recopiaient pas nécessairement à l'identique les structures du monde physique, et j'avais esquissé le thème des "chakras".

    J'ai vu que cette balle lancée n'avait, chez vous, suscité aucune curiosité. Cela peut se comprendre, nous restions au niveau de l'individu. Mais imaginons maintenant que "Gaïa", la Terre, cette entité faite à la fois de montagnes, d'océans, d'air et d'une fine couche de moisissure vivante sur sa surface, dont nous faisons partie, possède sa propre noosphère, ou plus précisément que les "agrégats" de "matière subtile" qui constitueraient les structures psychiques des êtres humains ne soient que des éléments d'une vaste machinerie planétaire à l'échelle de la planète. Appelons-là "noosphère planétaire ".
     En matière d'évolution vous devez savoir que nos connaissances sont voisines du zéro absolu. Même constat à propos des origines de la vie. On ne sait de nos jours pas si les premiers êtres vivants se seraient formés à la surface de la terre, ou dans les profondeurs des océans, au voisinages de "fumeurs" sous-marins, de sources thermales. On ne sait même pas si certaines molécules-clefs de la chaîne du vivant ne se seraient pas formées carrément dans le cosmos. J'ai lu quelque part qu'il y avait au voisinage du centre de notre voie lactée un nuage de matières, que l'on peu peut considérer comme organiques, atteignant 500 masses solaires. Ca n'est pas une spéculation, c'est une donnée fiable issue de la spectroscopie. Que font cet acide formique, cet alcool éthylique, etc.... à cet endroit-là. Le cosmos, décidément, est un vrai bouillon de culture.

     En matière d'évolution, il n'y a rien de crédible. J'ai lu Anne Dambricourt. Cette femme a étudié l'évolution du crâne humain depuis seulement quelques siècles. Elle a repris toutes les données disponibles, en les traitant simplement de manière différente, avec des critères plus affinés. Le "progrès" de l'espèce humaine ne se mesure par exemple pas en se polarisant sur "l'angle facial". J'ai un ami mathématicien qui possède un cerveau apparemment d'assez petite taille, un fort bourrelet orbitaire et un front fuyant. En le vêtant d'une peau de bête on en ferait un type de l'âge de pierre parfait. Pourtant c'est un maître ès-géométrie algébrique. Est-ce un progrès d'avoir accès à la géométrie algébrique ? C'est un autre problème. Toujours est-il que ce gars ne ressemble pas à ce qu'il est vraiment.
     Anne Dambricourt montre que l'évolution humaine, par rapport aux primates d'où les hommes sont censés être issus passe par un mouvement d'effacement de la mâchoire sous les os de la face et sous la boite crânienne. Notre "museau" a déjà disparu. Nos mâchoires reculent. Les os de la face se sont progressivement disposés sous la partie frontale de la boite crânienne. Corrélativement, la place disponible pour loger des molaires diminue. D'où ces "dents de sagesse" qu'on finit très souvent par arracher parce qu'elles ne trouvent plus de place pour pousser.
   Dame Dambricourt a travaillé en contact étroit avec des orthodontistes et montré que ces problèmes dentaires avait tendance à s'accentuer de manière spectaculaire depuis seulement quelques décennies. On pourrait se dire : "oui, dans les pays développés". Eh bien non : le phénomène est apparemment planétaire. Le mécanisme évolutif de base de l'homme semble s'être brutalement remis en marche.  Nous devons vous attendre à devoir arracher de plus en plus de dents de sagesses dans les années à venir, faute de place pour les loger, à la fois à Washington, Oulan-Bator ou aux fins fonds de la Nouvelle-Guinée. Tout cela bouscule complètement les idées darwiniennes selon lesquelles des mutations aléatoires donneraient à certains individus des avantages évolutifs, les rendant plus performants vis à vis des autres et leur permettant d'imposer leur lignée au fil de.... millions d'années. Dans une optique Darwinienne "normale" il faudrait au bas mot cent mille ans pour que la forme des mâchoires humaines dans une région donnée se modifie sensiblement. Or nous sommes loin du compte. L'évolution mise en évidence est anormalement rapide.
   Ce qui émerge de tout cela c'est une critique du darwinisme, une critique de fond. La vie est-elle "pilotée" ? Pensée inacceptable chez beaucoup de spécialistes. Figurez-vous qu'il y a deux ans des gens du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris avaient même lancé un projet de colloque, au sein même du Muséum, dont le titre aurait été "de l'irruption de la spiritualité dans les science". Dambricourt est croyante et ne s'en cache pas, mais elle s'empresse d'ajouter que sa foi chrétienne est totalement disjointe de la rationalité de ses recherches, menées au sein du CNRS. Elle se battit énergiquement et reçut quelques appuis. Le congrès eut lieu, mais ailleurs, tout simplement parce qu'Anne Dambricourt ne disait point : "Dieu rétrécit les mâchoires humaines", en tous points du globe, au même moment. Elle se contentait de poser la question.

   Nous sommes loin des tarots et des tables tournantes, mais nous côtoyons de nouveau l'invisible. Qu'est-ce qui a créé la vie, pourquoi et comment ? Nous n'en savons rien. Il est simplement impossible de dresser un schéma complet de l'évolution dans les différentes espèces, à cause des "chaînons manquants". La thèse dominante du "gradualisme" n'est qu'une pure croyance a priori. Prenez ce dessin que l'on voit souvent dans les musées, montrant un bestiau quadrupède se redressant progressivement jusqu'à devenir l'homme moderne, bipède. Or tous les éléments intermédiaires n'existent simplement pas.
   Prenez un ours. Il lui arrive de se dresser sur ses pattes arrière pour voir plus loin, mais si quelque danger survient, c'est sur ses quatre pattes qu'il prendra la fuite. Prenez un homme qui, à quatre pattes, cherche ses clefs dans un parking. Agressé, il filera aussitôt sur ses deux jambes. L'être hybride, mi-bipède, mi-quadrupède n'est pas performant. Donc, selon l'essence même du darwinisme il ne saurait exister.

   C'est Yves Coppens qui a lancé l'idée du singe arboricole devenu bipède pour mieux y voir, dans le Rift Africain, suite à une modification de son écosystème : le passage d'un milieu sylvestre à un paysage de savane. Cela justifiait l'apparition de l'australopithèque dans cette Afrique de l'Est, à l'est du "rift", de la ligne d'effondrement si bien marquée au Kenya par la falaise bordant le lac Manyara. Hélas on n'a pas tardé à trouver des Australopithèques bien plus à l'ouest, dans des régions de forêt. De plus l'articulation du genou de l'australopithèque n'est pas une articulation de bipède. Chez nous, fémur et tibia sont liés par le "plateau tibial". Le fémur a deux fortes malléoles qui "roulent" sur ce plateau. Sur ce plateau tibial une arête de guidage qui empêche le tibia de tourner de plus de 5 degrés, de droite et de gauche. Un attribut de bipède, typique. Pour pouvoir bien courir il ne faut pas que les pieds partent dans tous les sens. Or cette arête de guidage est pratiquement absente chez les Australopithèques qui devaient pouvoir tourner leurs pieds de plus ou moins soixante degrés, donc devaient avoir des moeurs plutôt arboricoles.

    En conclusion : les schémas évolutifs ne collent pas avec les réalités. On ne sait pas comment l'homme est apparu. Au passage personne ne se hasarde, remarquez-le, à essayer de définir ce que peut être un homme par rapport à un animal. Cette conscience, dont nous sommes si fiers, est-elle apparue "progressivement" ? Le "gradualisme" est-il encore ici la règle directrice ?

   Tout commence par des questions que l'on pose, que l'on se pose. Ce qui est significatif, je trouve, c'est la levée de boucliers qui a accompagné la publication de la thèse de Dambricourt, comme elle avait fait oeuvre impie, avait proféré un véritable blasphème scientifique.
     Les temps ont changé. Si Darwin était apparu plus tôt, on l'aurait brûlé. Si cela était encore possible, j'en connais pas mal qui ne se gêneraient pas pour attacher Anne Dambricourt sur un bûcher. En fait, la métaphysique est à nos portes, au moment où notre physique marque le pas, où notre astrophysique et notre cosmologie se dégonflent comme des soufflés. Par métaphysique il faut entendre une coévolution entre deux plans d'univers, un seul étant accessible à nos sens. Vous voyez l'idée :

- D'un côté il y a le monde physique, qui obéit à ses propres lois et qui suit un processus entropique, second principe oblige.

- De l'autre un monde métaphysique évoluerait "parallèlement" en suivant ses propres lois "métaphysiques".

- Entre les deux une interface nommé "Vie" permettrait cette coévolution. Là serait la raison ontologique de l'apparition du vivant. Vaste programme de réflexion. Qu'en pensez-vous ? Accepterez-vous, cette fois, de me suivre dans cet espace spéculatif, ou allez vous déployer le rideau de fumée de vos boutades en m'expliquant que cette thèse (le recul de la mâchoire) explique pourquoi l'ethnie extraterrestre des "petits gris" qui nous visitent n'ont plus ni nez, ni pavillons auriculaires, et presque plus de mâchoire ?

   Cela ne nous empêchera pas de continuer à parler de thème d'actualité. Mais il faut bien occuper un peu son temps à laisser la pensée gambader en liberté, d'autant plus que je crois... les deux choses intimement liées. Mais ça sera pour les courriers suivants.

     Nous suivons, comme vous, sur nos petits écrans, ce qui se passe dans le monde. Horreur en Cisjordanie, bide en Afghanistan. Les Américains réussiront-ils à mettre le grappin sur Omar et son copain Ben Laden ou ceux-là, profitant des complicités tribales, auraient-ils déjà réussi à trouver refuge au Pakistan ? Décidément, dans ce coin du monde, tout le monde ment. Les B-52 mènent le jeu. Les Afghans, Kalachnikov à l'épaule, comptent les points. De temps en temps des gens se rendent en masse. On en égorge certains, on laisse les autres retourner dans leurs villages et le camp de concentration construit par les Américain n'a pas l'air de contenir grand monde, sauf erreur. Les Afghans précisent qu'ils espèrent que les Américains ne tarderont pas à rentrer dans leurs foyers. Les femmes continueront à être traitées en bêtes de somme, cloîtrées sous leurs burkas.

   Ben Laden a peut être rendu un grand service à la planète avec la monstruosité des attentats du 11 septembre. Sur ce plan ces extrémistes islamistes sont des imbéciles. Au moment où commençait l'attaque sur Kandahar on a entendu le Mollah Omar dire "qu'une masse d'attentats allait s'abattre sur les Etats-Unis". Mais il ne s'est rien passé. Peut-être certains ont-ils compris à qui ils s'en étaient pris. L'Amérique est un géant qu'il ne faut pas réveiller. Les Japonais en ont fait l'expérience. Les attentats de septembre ont été une blessure profonde, plus violente encore que l'attaque sur Pearl Harbour, qui visait des cibles militaires. Périodiquement on entend les responsables Américains dire que "cette guerre contre le terrorisme ne fait que commencer". Ils ont annoncé "qu'après l'Afghanistan, d'autres pays ayant apporté leur soutien aux terroristes seraient visés" (dont l'Irak, apparemment).
   Je ne sais pas si Ben Laden a eu raison de lancer ces actions si spectaculaires. Ce faisant il a humilié les Etats-Unis. Pour le Viêt-Nam cela pouvait encore se discuter. Aux USA, des voix s'élevaient pour dire : "nous n'avons rien à faire là-bas". Mais là il s'agit d'une agression, lâche et sans préavis, sans motif explicite non plus, autre que la haine. Après ces attentats les Américains n'ont pas cédé à la colère, n'ont pas lancé une riposte précipitée. Il ont pris leur temps, mais apparemment, techniquement, cette opération Afghanistan a été bien menée. Les Russes avaient averti : "ne mettez pas les pieds dans ce pays !". Les Américains ne l'ont pas fait. Comme les Talibans devaient encore posséder quelques missiles Stinger capables d'envoyer au tapis des appareil volant à moins de 3000 mètres d'altitude ils ont bombardé de plus haut, apparemment avec une précision étonnante : de simples villas atteintes en plein coeur de centres urbains, à Kaboul. La précision des bombes guidées par laser est étonnante : quelques mètres.
    Bien sûr, Omar et ben Laden se sont peut être faits la malle, à cause de complicités. Mais leur prestige en a pris un coup. Le prochain visé sera peut-être Saddam Hussein, qui pourrait être sommé de disparaître. Je parierais que cet imbécile a pensé pouvoir jouer impunément sur tous les tableaux : constituer vis à vis des Américains une sorte de rempart contre l'Islamisme Chiite, tout en finançant les groupes de Ben Laden, directement, et en leur apportant un support logistique et technique. Si les Américains ont mis la main sur des preuves d'une chose pareille, malheur à lui. Ils ont clairement annoncé "nous poursuivrons les auteurs des attentats ainsi que tous les pays qui ont apporté leur support à ces actions". Quand les yankees disent que "cette guerre sera longue" cela signifie peut être que la liste doit être longue. Saddam a des bunkers, mais il existe des bombes US capables de toucher des cibles à trente mètres de profondeur.

    Ma fois, ça fait un peu tomber les masques. Il y a un endroit où la situation semble se radicaliser, c'est Israël et la Palestine. Que penser d'Arafat ? J'ai suivi un reportage où des terroristes palestiniens encagoulés disaient qu'ils faisaient partie des 32 personnes dont les Israéliens avaient exigé l'arrestation mais que, prévenus par les hommes d'Arafat qu'on allait tenter de leur mettre la main au collet ils avaient pu prendre le large, en étant prêts à tuer de nouveau. Arafat joue-t-il double jeu ? Sharon l'affirme. Il dit peut-être vrai. Ceci étant, si c'est vrai, comment faire cesser cette guerre civile atroce alors même que les deux populations sont étroitement imbriquées, formant une mosaïque inextricable ? Je ne vois pas de solution. Ces attentats quasi quotidiens sont insupportables. Où allons-nous avec tout cela ?

    Vous devez vous dire : quel lien avec le paranormal ? J'ai évoqué un possible "pilotage du vivant". Il semble bien que le hasard n'est pas capable à lui seul d'organiser le vivant.
    Le vivant évolue, au gré de batailles rangées entre espèces. Mais, dans cette sélection naturelle, qui distribue les cartes ?

   Il y a quelque chose à comprendre dans tout cela. Nous sommes spectateurs d'évènements et nous pouvons peut-être affiner notre compréhension si nous essayons d'aller au delà du simple enregistrement des faits. Je développerai cela dans un autre courrier. Cette lettre me semble déjà assez longue. Mais peut-être entrons-nous dans un âge de violence.

 

                  Amicalement                                                            Félix

 

 

à compter du 16 décembre 2001