L'Angerie,
5 décembre 2001
Chère Elisabeth,
Je viens de relire votre
courrier du premier décembre. Il me laisse perplexe. Vous écrivez à un
moment :
-
Le paranormal m'apparaît d'abord comme une force de négation sans pareil
: il ne cherche pas à émettre l'hypothèse d'autre chose, mais affirme
la prévalence d'un monde à devenir ou à traquer par rapport à notre univers
courant.
Je ne sais pas trop ce qu'est
"l'univers courant". Je crois que vous vous méprenez sur le
sens de ma démarche. Parce que ce monde paranormal vous semble être extérieur
au nôtre, vous imaginez que c'est pour moi un sujet de curiosité comme
un autre, que je me suis intéressé à cela comme d'autres ont collectionné
les timbres ou les papillons. Or, pouvez-vous m'expliquer comment fonctionne
le monde, quel est le sens de la vie, quels sont les fonctions de l'homme
dans cet univers ?
Vous répondrez probablement à cette question par une
nouvelle pirouette en invoquant l'insouciance, l'humour, le fait de jouir
de l'instant. Il y a du vrai, mais je pense qu'il faut des deux, dans
une tête et dans un coeur. Sur. Vous connaissez cette image : "ceux
que leurs ailes de géants empêchent de voler". Tout à fait d'accord.
Il y a des gens qui vivent l'oeil rivé à leur lunette, à leur microscope,
qui dévorent tous les journaux, commentent à l'infini tous les films et
qui en oublient de vivre eux-mêmes. Ne me voyez pas comme "un intellectuel"
ou un "curieux". J'ai pas mal vécu, dans des mondes dont je
ne vous ai rien dit. J'ai été, sous certains angles, une sorte d'aventurier,
dans beaucoup de domaines. Si je vis dans ce château délabré avec mon
chien, il m'arrive de temps en temps de voyager, parfois assez loin. Quitte
à sortir, autant prendre l'air un bon coup, non ? Je voyage, donc, avec
mes jambes mais aussi avec ma tête. Dans ces deux domaines j'aime l'aventure,
les grands espaces, "la métaphysique à l'ouest du Pecos". J'aime
rencontrer des gens nouveaux, différents. Vous êtes l'une de ces rencontres.
Au fil de nos courriers nous faisons doucement connaissance.
Je vous ai parlé du
spiritisme pour ouvrir simplement le débat. Au cours de mes voyages lointains,
j'en ai vu bien d'autres. La pensée n'est pas un monde clos. Je vous vois
écrivant un peu plus loin :
- Je me dis que chaque monde a peut-être
intérêt à rester chez lui.
et :
- Qu'est-ce qui reste du paranormal,
quand on l'a vidé de ses illusions ?
Ca n'est ni contemplatif,
ni ludique, comme vous l'écrivez. C'est intrigant. Cela veut dire qu'il
y a beaucoup, beaucoup de choses qui nous échappent. Cela ne vous agace
pas, vous ? Si je voyais un jour une girafe bleue à rayures vertes traverser
le boulevard, et si je me sentais ce jour-là à jeun et bien sain d'esprit,
je me mettrais à sa recherche. Pas vous ?
Je me rappelle une phrase
que j'avais entendue il y a une quinzaine d'années au Festival Sciences
Frontière, lorsqu'il se tenait encore dans la station de sports d'hiver
de Puy Saint Vincent. Après avoir entendu un exposé du docteur Benveniste
j'avais entendu un chimiste du CNRS déclarer.
- Effectivement, nous ne savons pas vraiment
pourquoi l'eau est liquide à la température ordinaire. Mais moi, ça ne
m'empêche pas de dormir.
Moi, ça m'empêche de
dormir, je l'avoue. Enfin, de temps en temps. Je n'ai pas la quiétude
de ce fonctionnaire imbécile.
Vous envisagez de "capter
les esprits en solitaire" avec votre ordinateur et votre souris.
Serait-ce par crainte de faire cela devant des témoins ? La peur du ridicule
nous fait parfois passer à côté de tas de choses intéressantes. Peut-être
cela marchera-t-il, mais peut-être pas. Je dois vous dire que je dois
être un médium assez médiocre car mes propres expériences en solitaire
se sont toutes soldées par des échecs. Enfin, vous me tiendrez au courant,
promis ? Ceci étant, votre histoire de lettres ton sur ton, sur écran,
est intéressante.
Je me permets d'insister
: vous êtes sûre que vous n'avez rien vécu d'un tant soit peu insolite.
Je ne sais pas, une petit prémonition, un rêve un peu bizarre, une impression
de déjà vu. Rien, vraiment ?
Laissons un peu reposer
ce sujet. J'y reviendrai. Ce qui me gène c'est que vous n'ayez dans ce
domaine aucun vécu, aucune expérience personnelle, aucune carte à abattre
dans ce jeu. J'ai l'impression de vous parler d'un pays lointain dont
vous n'auriez jamais entendu parler et dont l'existence même vous paraîtrait
problématique. Ah, je me demande la tête que vous feriez si vous vous
retrouviez tout d'un coup face à de l'insolite de qualité. Imaginez ces
réponses, avec cette tablette rotative. Cela ne vous intrigue pas ? Peu
importe ce qui sortait de cet engin. Le simple fait que cette machine
produise des mots orthographiquement corrects était déjà trop, beaucoup
trop. Mais il est peut être des expériences qui sont difficilement communicables.
Il est vrai que se sont écoulées bien des années avant que je ne sois
confronté à une affaire pareille.
Changeant
de sujet, je repensais à l'évocation de l'enquête que vous menez dans
nos collèges. Il y a quelques jours j'ai vu un film avec Gérard Depardieu
où celui-ci joue le rôle d'un prof d'histoire et géo qui, pour se rapprocher
de ses enfants après un divorce, a choisi d'être affecté dans un collège
"dur". Tout est, bien sûr, traité sur un mode humoristique pour
que les faits présentés soient acceptables. Il y a quelques années la
sortie d'un tel film aurait été décrite comme une démonstration de racisme
et aurait entraîné très certainement des manifestations. La classe de
cet enseignement de 4° technique est peuplée d'enfants d'immigrés noirs,
café au lait, Nord-africains. Il a très vite des ennuis avec un jeune
maghrébin qui, visiblement, est venu au collège avec une arme,
sous la forme d'un cutter et lui fait face, plein d'arrogance :
- A moi, ça ? Prouvez-le !
Tout y passe, dans ce
film. On y apprend que les élèves du collège sont rackettés de manière
permanente, que le principal et son adjoint ne survivent qu'en absorbant
des doses massives de lexomyl ou de témestat, que les matériels sportif
et informatique sont tout simplement volés. La police brille par son absence.
L'arrogance d'un noyau dur des maghrébins, en fond de classe, est hallucinante.
Rien ne semble les départir de leur aplomb. A la fin Depardieu, accusé
carrément de pédophilie par un de ces gosses, simplement parce qu'il laisse
pendant la journée à une fillette métisse la disposition de son appartement,
envoie une gifle à celui qui l'insulte. Celui-ci sort de la classe en
disait à la cantonade :
- Vous êtes témoins qu'il m'a frappé et
insulté.
Notre professeur d'Histoire-Géographie
se retrouvera donc au commissariat de police où on procédera à son audition.
Dans sa classe, seuls trois enfants auront confirmé ses dires, les autres,
menacés par la bande du frère du gamin ont confirmé "qu'il l'aurait
frappé, traité de sale Arabe, puis qu'il aurait insulté le Coran".
Les policiers sont ... ennuyés. Le commissaire dit qu'ils va "faire
de son mieux pour freiner l'enquête". Depardieu, sidéré, disjoncte
complètement , quitte le commissariat après avoir fait un esclandre. Au
collège, il apprend qu'il est suspendu. Un représentant du ministère est
sur place, pour mener à son sujet "une enquête administrative".
Tout continue dans ce
style. L'insécurité règne dans le grand ensemble où il a loué un appartement.
Une bande de maghrébins commence par lui voler les quatre roues de son
véhicule, qu'il récupère le lendemain et entreprend de remonter. Le chef
de la bande tente de négocier "allez, cent francs par roue et on
en parle plus". Depardieu refuse. Il échappe une première fois à
une agression en rentrant chez lui grâce aux Rotweller de son voisin d'en
face, lequel vit, armé jusqu'aux dents et lui propose de lui prêter un
revolver, qu'il refuse.
A l'école les choses
ne s'améliorent pas. Il ramasse une pierre en pleine tête, tirée par un
gosse en fond de classe, pendant qu'il tourne le dos à la salle. Personne
n'ose témoigner. C'est "Graine de violence" un demi-siècle plus
tard avec des élèves de cinq ans plus jeunes. Les insultent pleuvent,
le mépris est ostentatoire. Aucun recours ne semble possible. Il demande
à voir les parents d'un des membres du noyau dur de sa classe. C'est le
frère de celui-ci qui arrive, un véritable délinquant, qui le menace sans
ambages :
- Ecoute, petit con. Qu'est-ce que tu
gagnes ? Huit mille balles ? Moi, je gagne trois fois ça. L'avenir de
mon frère, tu ne t'en occupes pas, tu as compris, j'en fait mon affaire.
Tu lui fous la paix, et si insistes, je te grille la voiture et je te
fous ton appartement en l'air, vu ?
Depardieu se lève,
va vers le bureau du principal pour que le frère de cet élève de sa classe
lui répète tout cela devant témoin, mais en ouvrant la porte il trouve
le pauvre homme, bourré de tranquillisants, .... en train de finir une
bouteille.
Rien ne nous est épargné.
Le collège doit faire face à l'irruption de gamines portant le foulard
Islamique, qui arrivent dans le collège accompagnées à la porte par un
groupe de "barbus". La direction ayant refusé de les garder
si elle n'acceptent pas de ce défaire de cet attribut, on voit les parents
venir faire un esclandre dans les locaux du collège, menaçant le principal
d'un procès, de suites juridiques.
Fin du film : prévenu
par un voisin, Depardieu se porte au secours d'une jeune gamine, passée
à tabac dans une cave de son immeuble par de jeunes maghrébins de son
âge, celle-même qu'il avait essayé d'aider à laquelle il avait donné la
possibilité de venir travailler en son absence dans son appartement, au
calme. Il est alors pris à parti très sérieusement et blessé par un gang
de maghrébins dur, donc le chef est la frère de ce gosse qui le défie
ouvertement depuis sa prise de fonction. La police fait enfin son apparition,
arrête les agresseurs et le dégage.
Elisabeth, vous qui
avez commencé à enquêter dans ces milieux pour votre prochain livre, dites-moi
: cela correspond-t-il à de la fiction ou sont-ce des faits crédibles
?
J'ai entendu hier que
des policiers qui avaient procédé à l'interpellation d'un maghrébin mineur,
l'un d'eux ayant été frappé et blessé par celui-ci, avaient décidé de
rester dans leur commissariat, la justice ayant remis le garçon en liberté,
le lendemain même de l'incident, après une "peine dérisoire"
: la composition d'une rédaction concernant la dure mission d'un policier",
condamnation considérée par les fonctionnaires de police concernés comme
une véritable provocation, de la part de la "justice". Une scène
où ces mêmes policiers, patrouillant dans la cité après la remise en liberté
du garçon qui les avait frappés quelques jours plus tôt, seraient accueillis
avec les bras d'honneur des gamins résidents aurait pu être jointe au
scénario du film présenté ci-dessus. La différence c'est qu'il s'agit
cette fois d'une réalité qui semble devenue quasi quotidienne.
J'ai l'impression,
en le contemplant par la lucarne de mon petit écran, de me retrouver face
à un monde que je ne comprends plus très bien.
J'ai vu un membre
de l'ETA, réfugié en France mais faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international,
défiler librement, ostensiblement, s'exprimer devant les caméras de télévision
à l'occasion d'un manifestation tenue par les indépendantistes basques
Français (à quand les Bretons, les Auvergnats ? etc...). Personne, sur
le moment, n'est intervenu. Le préfet n'a pas bougé. La police n'a pas
procédé à l'arrestation de cet individu (mais j'ai appris hier qu'il avait
quand même fini par être interpellé).
Les Espagnols, qui viennent de subir des attentats
extrêmement meurtriers dans leur pays : bombes, policiers abattus de sang
froid en pleine ville, étaient sidérés. De même que nous rappelions quelques
mois plus tôt que l'Angleterre se refusait toujours à livrer des fanatiques
Islamiques dont la France réclame depuis des années l'extradition, sans
doute, là-aussi, "pour ne pas accroître les tensions".
En France, quel
est le gouvernement qui gère une telle gabegie, qui fait preuve d'un tel
renoncement, d'une telle lâcheté ? Nous allons êtres appelés à voter.
Vers qui faudra-t-il se tourner ? Entre l'ouverture d'esprit, le souci
d'intégration, la non-discrimination, et le laxisme, la lâcheté, il semble
qu'un dérapage se soit opéré. On retombe toujours sur le problème de fond.
Les citoyens d'un pays ont des droits, mais ils ont aussi des devoirs.
C'est ce qu'on appelle le civisme. Il semble que notre gouvernement ait
totalement perdu cela de vue. Hier je discutai de cela avec un ami, au
restaurant. J'ai dit :
- Le problème est que de tels dérapages
peuvent un jour ramener sur la scène politique des gens comparables à
Hitler.
Soudain un voisin, qui nous entendait,
s'est manifesté :
- Cela ferait peut-être du bien aux gens
!
Quel âge avait-il ?
Je lui donnais la cinquantaine. Cet "adulte" parlait donc d'une
époque qu'il n'avait pas connue. Moi qui ai plus de vingt ans que lui,
je me demandai s'il réalisait réellement de quoi il pouvait parler. Je
pense que non. Allons-nous revivre un jour un basculement du laxisme vers
une terreur aveugle ? N'y aurait-il pas un moyen d'échapper à une telle
horreur ? Ces événements rappellent soudain chez moi des
souvenirs abominables, des scènes dont j'ai été témoin oculaire et dont
je préfère ne pas parler.
En Afghanistan les femmes,
qu'on voit encore le plus souvent sous leurs burkas bleues, ont essayé
de manifester dans les rues de Kaboul. Elles ont été frappées à coup de
nerf de boeuf par des moudjahidin de "l'Alliance du Nord", sommées
de se disperser "parce que cette manifestation avait été interdite".
Que réclamaient-elles ? Le droit d'évoluer à visage découvert, de travailler,
de parler. Un représentant de "l'Alliance du Nord" est arrivé
et a sommé le caméraman d'interrompre ses prises de vues, en le menaçant
... de lui tirer dessus, carrément en aboyant : "on ne doit pas parler
aux femmes". On nous a montré les ruines du musée de Kaboul, où des
milliers d'oeuvres d'art d'un prix inestimable avaient été pulvérisées
de manière irréversible par les Talibans fanatiques. Dans le département
numismatique toutes les pièces d'or avaient été volées, sans doute par
"le ministre de la culture". Je trouve que ce mot "d'états-voyous"
est assez bien choisi. Bien sûr, les voyous se trouvent plus fréquemment
dans les quartiers pauvres que dans les quartiers rupins. Délinquance,
pauvreté et inculture marchent souvent du même pied. Bien sûr, tous les
hommes politique de l'entourage de Georges Bush ont été grassement rétribués
par des compagnies pétrolières, lesquelles ont également financé la campagne
électorale du président. Mais ça n'est pas parce qu'on a laissé de manière
imbécile se développer une situation absolument catastrophique, que cela
soit en fermant les yeux face à une immigration sauvage, en laissant les
choses pourrir dans un quartier ou à l'échelle d'un pays que la solution
passe de nouveau par la démagogie. Qu'on le veuille ou non, les Européens,
qui meurent de peur à l'aide de connaître de nouvelles flambées de terrorisme
sur leur sol, sont bien contents de voir les Américains jouer les flics
de la planète. Des flics qui, jusqu'ici, étaient resté bien planqués dans
leur commissariat et que la situation du 11 septembre a contraint d'abandonner
leur attitude isolationniste.
Le monde a sacrément
changé, depuis cette date, mais nos hommes politiques, qui ressemblent
toujours à des marionnettes totalement creuses, apparemment pas. Nous
avons un ministre de l'intérieur totalement incapable de prendre des décisions
à la hauteur de toutes les situations auxquelles il est confronté. J'ai
vu un plan où un gendarme montrait le chargeur se son "arme de service",
un simple pistolet, maintenue avec un élastique. Simple : elle avait trente
ans d'âge. D'autres gendarmes disaient "comment voulez vous que nous
nous lancions à la poursuite de délinquants avec un fourgon Renault Trafic
? D'autres, en patrouille, disaient hors caméra (ils sont tenus au devoir
de réserve, en tant que militaires) : "Nous sommes quatre dans le
véhicule, mais nous n'avons que deux gilets pare-balle. Maintenant ils
défilent dans la rue par centaines. Une première dans l'hexagone.
A côté de cela j'ai vu un plan montrant Yves Rocard,
il y a deux semaines. Il convenait que lui aussi était allé à Matignon
chercher ses "enveloppes en liquide". Sa justification : "Il
fallait bien que je m'achète un complet neuf tous les mois. Et comment
voulez-vous faire face à de tels frais avec une simple indemnité parlementaire
?" Cet homme politique à prétentions intellectuelles, digne représentant
de notre "gauche-caviar" n'avait même pas l'air d'avoir conscience
de l'énormité de ses propos.
Tout cela est authentique.
N'importe quel Français a pu le voir et il faut que cela reste dans les
mémoires. Nous avons donc d'un côté des gendarmes qui partent en patrouille
sans gilet pare-balle, alors qu'un homme politique, et non des moindres,
s'offre un complet neuf chaque mois avec de l'argent perçu en liquide,
issu des "fonds secrets".
Comment cela va-t-il
finir ?
Il faudra qu'on parle
d'Israël, de la Palestine. J'aimerais bien avoir votre avis de plus jeune.
Tout flambe, tout explose, là-bas. Les choses se développent à une vitesse
folle. Arafat, hagard, a l'air complètement dépassé par les événements.
Un soir nous regardions les informations, avec mon frère et ma belle-soeur.
Un journaliste interviewait deux invités, le porte-parole de l'état d'Israël
à Paris et un femme un peu enveloppée, apparemment porte-parole des Palestiniens
dans cette même ville. A un moment, le juif a dit "il y a cent mille
Palestiniens qui viennent travailler chez nous, et cela se passe très
bien". La femme a rétorqué : "Nous ne voulons pas être les ouvriers
d'Israël !". Babette, ma belle-soeur a explosé immédiatement :
- Vous l'entendez, celle-là ! Si j'étais
sur ce plateau je lui clouerais le bec. Qu'elle me cite un pays Arabe
où les ouvriers Arabes sont bien traités, un seul où les droits de l'homme
sont parfaitement respectés ! Quand j'étais adolescente, en Algérie, j'en
ai vu, des passionarias dans son genre, qui n'arrêtaient pas de la ramener.
Maintenant elles sont dans leurs cuisines et les hommes du FIS égorgent
leurs enfants. Ces gens ne sont pas capables de se gérer eux-mêmes, cela
se démontre chaque jour. On parle d'états voyous, mais il y a aussi des
groupes immatures. Donnez-leur une terre à ces Palestiniens, un état,
il ne leur faudra pas plus de quelques années pour y recréer le Moyen-Age.
Nous regardions un défilé
de Palestiniens encagoulés, vêtus de blanc, futurs "commandos-suicide",
se dandinant comme des singes. Un peu plus loin des parents avaient habillé
leurs enfants de cinq ans de tenues militaires. L'un d'eux portait même
autour de sa taille le simulacre des charges explosives qu'emportent ces
commandos de la mort. Comment peut-on faire une chose pareille ? Ces parents-là
ne sont-ils pas des malades mentaux ? Et que dire de ce chef spirituel
du Hamas, avec ses petits yeux de fouine. J'entends encore Babette crier
:
- Dans tous les pays du monde, les adultes
se battent pour protéger leurs enfants. Même les animaux le font. Il n'y
a que ceux-là qui envoient les jeunes à la boucherie.
C'est scandaleux !
Quand Babette démarre,
il est difficile de l'arrêter, mais j'avoue qu'il y avait de quoi exploser.
Elle continua de plus belle :
- Vous savez ce qui manque aux Palestiniens
? Du pétrole, comme en ont des Iraniens, les Irakiens, les Saoudiens,
les Lybiens, les Algériens. Comme cela ils pourraient avancer une revendication
"d'ordre économique", ils exigeraient "qu'on leur rende
leur pétrole". En dehors d'exploiter ou de faire exploiter par d'autres
l'or noir, ou à la rigueur le tourisme, comme en Egypte, connaissez vous
un pays Arabe qui ait été fichu de développer une réelle activité économique
sur son propre sol ? Regardez les Afghans, qui ont vécu en produisant
75 % de l'héroïne du marché mondial. Ecoutez ces "fidèles compagnons
du commandant Massoud", ce qu'ils ont à la bouche : Ils veulent un
état Islamique et rien d'autre, avec la Charria et tout le reste, maintenir
leurs femmes en esclavage et leurs enfants dans l'abrutissement entretenu
dans leurs écoles coraniques. Or, qu'est-ce qu'un état Islamique, sinon
une fantastique régression économique, un figeage social total, une structure
fondée sur l'aumône. Lisez le Coran où la pauvreté fait partie intégrante
du système (puisque « l'aumône » fait partie des premiers devoirs
du croyant) et où les riches doivent simplement veiller à ne pas trop
afficher leur opulence. Avez-vous vu ce reportage sur les médinas Marocaines
? On y voyait un riche homme d' affaire marocain nous faire visiter sa
demeure, d'un luxe fabuleux, en insistant bien sur le fait que "rien,
de l'extérieur, ne permettrait de deviner que cette maison contient de
telles richesses. Voyez-vous c'est par respect pour les pauvres, qui vivent
dans le voisinage".
Les états Islamiques sont des structures anti-démocratiques
où le pouvoir atterrit entre les mains de religieux rétrogrades, où on
se prive systématiquement des compétences potentielles de la moitié de
la population : celle des femmes en l'occurrence (60% de la population
Afghane) qu'on maintient systématiquement dans l'analphabétisme, alors
que ce sont les seules qui bossent dans ces fichus pays. Les états Islamiques
sont investis, non stop, dans un "Jihad", dans cette « guerre
sainte » qui est un effort de propagation de ce système à travers
le reste du monde. Regardez ce qui se passe au Cachemire où le Pakistan
(où on assassine les pakistanais chrétiens, qui doivent se cacher) entreprend
d'exporter l'Islam à coup d'attentats.
J'appelle cela
du nazisme. Hitler n'a rien fait d'autre, dans les années trente. En Autriche
les Allemands qui y résidaient réclamaient "leurs droits", prétexte
qui servit au Fürher un beau jour pour envahir le pays. Au Cachemire les
extrémistes islamistes font attentat sur attentat, "jusqu'à ce qu'on
reconnaisse leurs droits", et au delà jusqu'à ce que le Cachemire,
ravagé par une minorité de fanatiques, ne bascule enfin complètement de
gré ou de force dans cette mouvance, dans cette espèce de maladie mentale,
et accepte, lui aussi, de se plier à la Charria.
C'est pareil en Algérie,
avec le FIS et vous savez très bien ce que ces gens là veulent.
Elle est bien commode,
cette violence érigée en système, où tout extrémiste musulman, fanatique,
foncièrement intolérant, devient "un combattant de l'Islam",
faute de pouvoir se comporter en bâtisseur et en artisan de paix. On voyait
encore Arafat il y a quelques jours passer en revue sa garde personnelle.
Un état ne peut être bâti par un "ministre des affaires étrangères",
un diplomate. Quel est le bilan du "gouvernement Arafat" au
sein du "processus de paix"? Nul. Dans les pays musulmans le
laxisme est le berceau de la violence, surtout quand des pays voisins
ne demandent qu'à l'exporter. Arafat a été incapable d'endiguer cette
gangrène qu'est le Hamas et son fichu Jihad. Aujourd'hui des mères palestiniennes
enseignent le meurtre et le terrorisme à leurs enfants en même temps qu'elles
leur donnent le sein. En Palestine des écoles et des médias Islamistes
bourrent les crânes des gosses. Ceux-là n'ont plus rien d'autre dans la
tête que le Jihad ("fruit de leur désespoir") et les Occidentaux
prennent le relais en évoquant "ces Palestiniens qui sont sans avenir".
Or, vous ne les avez jamais vus évoquer leur propre avenir. Tout cela est extrêmement pervers. Il y
a quinze jours un journaliste interrogeait un combattant Afghan :
- Que ferez-vous après la guerre, quand
la paix sera revenue ?
L'homme était resté
un instant interdit et a fini par dire : "est-ce que vous pourriez
reformuler votre question ?"
A propos de leur avenir
possible, les Palestiniens semblent totalement dénués d'imagination, et
Arafat ne semble en avoir non plus. C'était la même chose en Algérie,
après notre départ. Les anciens combattants se sont rués sur les postes
ministériels, vers les "portefeuilles" et la corruption a commencé
à se développer aussitôt.
L'intégrisme islamiste
n'a aucun plan pour ses peuples, sinon la Charria, directement issue de
leur Moyen-Age. Il est incapable de s'adapter au monde moderne, sinon
en assimilant ce que nous avons créé de plus négatif : la violence, les
armes modernes, la corruption, les comptes en Suisse, la spéculation boursière.
C'est tout sauf un système égalitaire puisqu'il débouche sur des Etats
aberrants comme le Yémen, l'Arabie Saoudite, le Quattar, l'Algérie, où
règnent la corruption et le bakchich. Nous aussi, nous connaissons la
corruption, certes, mais nous savons aussi construire, créer des richesses,
même si le produit du travail n'est pas réparti de manière très juste.
Je doute que les Palestiniens soient capables de se bâtir une économie
"adulte". Dans l'entourage d'Arafat on parle déjà de corruption.
Mauvais départ, non ? Il n'y a pas de richesses à exploiter en Palestine,
pas de pétrole. Pas plus dans ces "états Palestiniens occupés"
qu'en Israël, du reste. Mais le Juifs comme les pieds-noirs sont des bosseurs-nés
et ce dont souffrent au premier chef ceux qui ne rêvent que d'une chose :
la disparition de l'Etat d'Israël, c'est de la jalousie. Ils envient, ils haïssent ceux qu'ils
sont incapables d'égaler.
- Babette, vous oubliez que les Sionistes
ont quand même pu bénéficier dès le départ d'un énorme apport technique,
intellectuel et financier que leur procurait la diaspora Juive, en particulier
la colonie Juive Américaine.
- Je ne l'oublie pas. Alors, que font
les états Arabes riches voisins pour aider ces Arabes pauvres à se construire
une économie? Ce n'est pas l'argent qui manque, chez eux. Mais ils se
sont bien gardés de leur en donner. Ils leur ont fourni des armes, des
explosifs, et des Mollah pour mener une guerre Sainte par Palestiniens
interposés. Et ceux-là ne s'en sont même pas rendus compte. De toute manière,
même avec de l'argent, je doute que ces Palestiniens soient capables de
se construire une économie et un système social sain et ils le savent
très bien. C'est pour cela que le terrorisme constitue une issue, une
sorte de fuite en avant. Les Israéliens pourraient leur permettre d'améliorer
leur cadre de vie, en les intégrant à leur propre système socio-économique,
ce qui serait aussitôt décrié comme une exploitation éhontée. Mais, qui
préféreriez-vous être ? salarié en Israël ou en Arabie Saoudite,
ou chez des Koweïtiens ? Livrés à eux-mêmes, ces gens n'ont pas leur pareil
pour exploiter leurs propres frères sans la moindre vergogne et aucun
journaliste occidental n'a jamais eu le courage de le dire.
Franchement, voyez-vous Arafat trouvant dans son entourage
un ministre de l'économie et des finances, de l'industrie, de la santé,
de l'éducation ? Quand on parle de ministères, le terme consacré est "portefeuille".
Pour ceux-là le mot est parfaitement choisi. J'espère que les Afghans,
sous contrôle, pourront échapper à cette ornière, à leur tribalisme médiéval.
On nous traite de colonialistes, mais qui osera un jour évoquer ce trait
qui caractérise ces groupes humains qui émergent brutalement, en quelques
décennies, d'un haut Moyen-Age, voire de la préhistoire : l'arriération.
Chez eux, l'économie devient synonyme de corruption, l'activité économique
devient gabegie, mise à sac, vente au profit d'étrangers du potentiel
national à bas prix, au bénéfice de quelques-uns. L'éducation se résume
à un endoctrinement, au maintien d'une arriération imbécile. La santé
est réservée aux riches, les salaires deviennent des aumônes, les droits
des travailleurs disparaissent, les droits de l'homme sont bafoués, les
femmes deviennent des esclaves et des bêtes de somme, la pédophilie devient
légitime. Combien, dans les pays Islamistes, d'épouses qui ont dix ans,
douze ans ?
Ceux qui se sont haussés au statut d'hommes politiques pensent
avant toute chose à leur propre intérêt, à celui de leur famille, puis
à celui de leur clan, de leur tribu. Ils se battent de manière stérile
comme des fauves autour d'une proie. La notion de service est absente.
La police n'assure pas la sécurité mais, vénale (quand elle ne vit pas
en symbiose avec le clan des bandits) elle est l'outil d'une répression
impitoyable. Les pays qui ont accédé à l'indépendance, à quelques rares
exceptions, sont devenus des caricatures d'états, où la liberté est le
plus souvent absente. Avez-vous oublié des personnages comme « l'Empereur »
Bokassa, ancien sergent de son état. Bien sûr, nous avons tous été les
complices de cette gabegie. La Suisse a offert ses "comptes en banque
sécurisés", inaccessibles. Comme les partis politiques des pays riches,
en particulier en France, auraient du mal à s'autofinancer avec les cotisations
de leurs adhérents, des "porteurs de valise" vont collecter
des fonds dans les pays Africains. D'où vient cet argent ? Nous l'avons
appris récemment. Elf, par exemple, apporte aux Africains de l'argent.
Leurs chefs d'états, qui en détournent aussitôt une bonne partie sur leurs
comptes personnels, renvoient l'ascenseur en remettant des "valises
de billets" à des "porteurs de valises", lesquels les apportent
à leur tour, moyennant une petite commission, aux partis politiques Français
dont les leaders se servent au passage, touchent leur bakchich. Tout cela
est rendu possible parce que les finances Africaines sont moins contrôlées,
et en fait pas contrôlées du tout.
A ces pays "nouveaux", nous vendons des armes
"pour qu'ils puissent assurer leur sécurité", nous faisons fonctionner
notre industrie de guerre. Comme nous l'a appris mon fils Henri, nous
leur avons même vendu des réacteurs nucléaires, en échange de pétrole
et de Gaulle, dans cette nouvelles croisade technologique, était en tête
: on l'a vu sur des documents d'archives.
Les leaders de ces pays nouveaux ont bien appris les leçons.
Nous utilisons l'Afrique comme une poubelle. Les Américains ont fait de
même au Vénézuéla, au Chili, en Irak, dans le monde entier, partout. Sottise
supplémentaire : ils ont voulu utiliser les fanatiques musulmans pour
mener, par Islamistes interposés, une guerre contre "les rouges"
et ça leur est fantastiquement revenu dans la figure. Quant à la gauche
Française, elle a vu dans une population d'immigrés, bénéficiant rapidement
de la nationalité Française, un afflux providentiel de bulletins de vote.
- Babette, vous considérez-vous comme
quelqu'un de droite ?
- Félix, vous me faites rigoler. Me croyez-vous
aussi naïve ? Pensez-vous que j'aie oublié comment Le Pen a construit
son aisance matérielle. Comment se fait-il que la Haute Cour de Justice
ait préféré différer la mise en examen du Chef de l'Etat à l'expiration
de son mandat ? Mais, inversement, croyez-vous que j'aie oublié "Le
coup de jardins de l'Observatoire", quand Mitterand, pour conforter
son assise politique, s'était fait tirer de dessus à la mitraillette par
son copain Bénouville, il y a quarante ans de cela ? Un montage indigne
d'un homme politique, ce qui ne l'a pas empêché de récolter deux mandats
présidentiels successifs. Regardez la grogne actuelle des gendarmes. Croyez-vous
que ce pays est géré quand on voit se multiplier les "dysfonctionnements"
de tous ordres. Cette grogne des gendarmes n'est pas seulement le signe
d'un manque d'effectifs ou de conditions de travail difficilement supportables.
Elles indiquent que les Français, à toutes les échelles, même dans des
couches qui étaient censées représenter l'épine dorsale du pays ont cessé
d'estimer leurs dirigeants. Comment voulez vous qu'un gendarme, qui n'a
pas de quoi se payer un gilet pare-balles, puisse estimer une classe politique
où un Rocard avoue devant des caméras de télévision avoir touché chaque
mois, à Matignon, des sommes en liquide se chiffrant en dizaines de milliers
de francs pour s'acheter des complets neufs. Parfois, je suis contente
de n'avoir pas fait de grandes études.
- Cela me rappelle la phrase de Mauras
: "Quand les peuples cessent d'estimer, ils cessent d'obéir".
- Exactement. Mais l'extrême droite n'est
pas non plus la solution. Vous voyez un gouvernement monté par le Pen
et les autres? Des Arafat, on marche dessus, à gauche comme à droite.
- Alors, Babette, que suggérez-vous ?
- Je ne sais pas? Tout cela me rend si
triste que, souvent, j'entre dans une église et je prie.
Nous avons eu son son
de cloche de ma belle-soeur Babette, qui résonne comme un tocsin. Nous
donnerez-vous le vôtre ?
Amicalement
Félix
7
décembre 2001
Chère Elisabeth,
J'ai reçu ce courrier de mon neveu Henri. Je
lui avais demandé de me trouver une biographie de Mahomet et il l'a fait.
Vous verrez, à propos de l'informatique, que les membres de ma famille,
coalisés, me laissent plus guère le choix. Vous vous en féliciterez sans
doute. Ma foi, je me suis en principe tiré de pas mal de situations délicates
et il y en a de plus bêtes qui ont appris à se servir de ces machines.
J'ai joint la lettre, où il cite des versets du Coran qui m'ont pas mal
étonné. Je n'en croyais pas mes yeux et je me suis précipité sur l'ouvrage
pour vérifier s'il ne s'agissait pas d'une blague de mon neveu.
Amicalement
Félix
Versailles, le 4 décembre 2001
Mon
Cher Oncle,
Vous
m'aviez demandé de vous trouver une biographie de Mahomet. J'ai fini par
dénicher celle-là dans l'Encyclopedia Universalis. Dans cet envoi, un
tirage sur papier, et une disquette. Vous pourrez faire suivre celle-ci
à votre amie Elisabeth Plumier.
Le
conseil familial a statué. Il a été décidé à l'unanimité de vous offrir
un ordinateur pour Noël, pour deux raisons. La première est qu'il serait
grand temps que vous vous décidiez, mon oncle, à entrer
dans le vingt et unième siècle, la seconde est que vous puissiez fournir
à votre amie des documents qui lui évitent d'avoir à tout retaper à la
main, pour des simples considérations de charité chrétienne,
dit maman. Personnellement, je m'engage à assurer votre formation
concernant la manipulation de l'ensemble du matériel qui prendra
désormais place à l'Angerie dès la fin de cette année.
Tout se passera très bien, vous verrez.
Papa
m'a dit au téléphone que Maman et vous aviez des échanges hauts en couleur.
Je regrette de ne pas pouvoir être plus souvent parmi vous pour suivre
cela en direct.
Bien
affectueusement Henri
Post Scriptum :
Nous
avons à l'Institut des gens qui connaissent bien le Coran et qui suivent
l'actualité internationale au Moyen-Orient. L'un d'eux a attiré mon attention
sur les versets 49 à 53 de la sourate 33 :
49. Ô toi, Prophète en vérité, Nous déclarons légales
pour toi les épouses, auxquelles tu auras constitué leur dot, et les captives
qu'Allâh aura fait tomber entre tes mains, et les filles de ton oncle
paternel, et les filles de tes tantes paternelles, et les filles de ton
oncle maternel, et les filles de tes tantes maternelles, qui ont pris
la fuite avec toi, et toute femme croyante, si elle veut se donner au
Prophète et si le Prophète veut l'épouser - c'est un privilège spécial
pour toi, au dessus de tous les croyants.
50. Nous savons ce que nous avons ordonné pour eux, au sujet de
leurs épouses et de leurs femmes esclaves, de manière qu'il n'y ait pas
d'empêchement pour toi. Et Allâh est pardonneur; il est miséricordieux
!
51. Fais venir auprès de toi celles d'entre elles que tu voudras
et reçois chez toi celle que tu voudras, ou celle que tu désires de nouveau,
après l'avoir négligée; il n'y aura pas de péché pour toi si tu agis ainsi.
Il te sera plus facile de rafraîchir leurs yeux : qu'elles ne soient donc
pas affligées et que toutes soient satisfaites de ce que tu leur as accordé.
Mais Allâh connaît le mieux ce qui est dans leur coeur; et Allâh sait,
il est bon.
52. Il n'est pas légal pour toi de prendre d'autres femmes, dorénavant,
ni d'en échanger contre d'autres femmes, quand bien même leur beauté serait
l'objet de ton admiration, à l'exception des captives que tu peux avoir.
Car Allâh observe tout !
53. Ô vous qui croyez ! n'entrez pas dans les maisons
du Prophète, sans que vous en ayez reçu l'autorisation, pour un repas
- et n'attendez pas qu'il soit préparé ! - Mais lorsque vous êtes invités,
entrez; et lorsque vous aurez mangé, retirez-vous, sans vous engager familièrement
dans une conversation. En vérité, cela ferait de la peine au Prophète,
et il rougirait de devoir vous demander de prendre congé de lui. Mais
Allâh ne rougit pas de la vérité !
Et si vous avez à demander quelque chose
aux femmes du Prophète, demandez-le-leur derrière un voile. C'est ainsi
que vos coeurs et leurs coeurs demeureront purs. Evitez de faire de la
peine à l'Apôtre d'Allâh. N'épousez jamais les femmes avec lesquelles
il aura eu commerce. En vérité, cela serait grave aux yeux d'Allâh !
Présentation du personnage
de Mahomet par Maxime Rodinson.
Source : Encyclopedia Universalis.
MUHAMMAD 571?-632 Mahomet
(en arabe Muhammad) est, parmi les fondateurs des grandes religions universalistes,
celui que nous connaissons le mieux. Il a fondé l'islam, qui compte aujourd'hui
bien plus d'un milliard d'adhérents et dont le rôle historique fut considérable.
Sa biographie est loin d'expliquer à elle seule ce succès, mais contribue
pour sa part à cette explication. Homme génial, issu d'une société en
marge des grandes civilisations de l'époque, il sut forger une synthèse
idéologique impressionnante, capable de séduire d'abord son pays natal,
puis de s'imposer dans une vaste zone du globe. Il sut aussi employer
des dons remarquables de chef politique et militaire à acquérir le contrôle
de l'Arabie. Mystique (incomplet), profondément religieux, mais non pas
pur homme de sainteté comme le Christ et le Bouddha, les faiblesses humaines
de cette impressionnante personnalité ne font que rendre sa biographie
plus attachante.
1.
Les
sources
Renan croyait que la vie de Mahomet,
par opposition à celle de Jésus, s'était déroulée à la pleine lumière
de l'histoire. C'est une illusion née du caractère très détaillé de la
biographie traditionnelle. Mais l'étude critique de celle-ci a démontré
que beaucoup des détails en question étaient suspects d'avoir été forgés
dans des buts tendancieux (avec beaucoup d'art d'ailleurs), un ou deux
siècles après l'événement. Il ne faut jamais oublier que les biographies
du Prophète les plus anciennes que nous possédions datent du début du
IXe siècle, soit deux siècles après les événements. Il est vrai qu'elles
ont utilisé des compilations plus anciennes, elles-mêmes fondées sur des
listes datées d'événements et de noms qui avaient été conservées par écrit
ou de mémoire. Elles citent comme sources des traditions orales transmises
depuis les événements par des chaînes (isnad) de garants. Mais nous n'avons
aucune garantie de la fidélité de cette transmission ni même de sa réalité.
On ne peut écarter entièrement ce que cette tradition écrite ou orale
nous apporte, mais on ne peut non plus s'y fier aveuglément pour aucun
détail concret, et les critères incontestables manquent pour faire le
départ entre l'historique et le suspect.
Une
source est sûrement authentique, c'est le Coran, qui est considéré comme
le recueil des paroles de Dieu dictées à Mahomet. Mais son texte est en
grand désordre. On ne peut y rétablir qu'avec peine et avec bien des incertitudes
l'ordre chronologique. Les événements de la biographie du Prophète n'y
sont évoqués que de façon allusive. C'est donc une source difficile à
utiliser.
Les biographies classiques
les plus anciennes sont celles d'Ibn Ishaq (env. 767), que nous ne connaissons
que par l'adaptation abrégée d'un de ses élèves indirects, Ibn Hisham
(env. 834); celle de Waqidi (823), réduite au récit des campagnes du Prophète;
celle de son secrétaire Ibn Sa`d (845); enfin celle de l'historien compilateur
Tabari (923), qui utilise uniquement des écrits antérieurs. Occasionnellement,
des renseignements de valeur anciens ont pu parvenir par intermédiaire
jusqu'à des ouvrages postérieurs.
Une critique soigneuse
des sources est nécessaire. Au minimum, les faits sur lesquels s'accordent
des sources de tendances divergentes, même quand elles les interprètent
différemment, les faits aussi qui contredisent les idées ultérieures doivent
être considérés comme assurés. En essayant de comprendre les démarches
d'où résultèrent ces événements, en utilisant le texte coranique qui,
pour des non-musulmans, ne peut être que l'émanation inconsciente de l'intellect
et de la sensibilité du Prophète, en tirant parti prudemment des informations
de la tradition que leur accord avec le résultat de ces démarches peut
plus ou moins authentifier, on peut aboutir à une représentation vraisemblable
de la biographie et même de la psychologie de Mahomet.
2.
Avant
la Révélation
On sait très peu de choses sûres concernant
la vie du Prophète avant la Révélation. C'est là-dessus que la tradition
ultérieure a le plus brodé et fabulé. Elle place en général, mais il y
a des variantes, sa naissance (à Mekka, que nous appelons La Mecque) en
571 de notre ère, suivant des calculs très douteux. Il est possible que
la seule base sûre en soit l'indication qu'il était né du vivant de l'empereur
perse Khosrô 1er, soit avant 579. Son nom Muhammad ("le loué")
était assez courant. Il était fils d'un nommé Abd Allah et d'une mère
appelée Amina.
Abd
Allah appartenait à la tribu de Quraysh, spécialisée dans le commerce
international, qui habitait la ville de Mekka, située dans une vallée
aride impropre à l'agriculture. Cette ville ne subsistait que grâce à
ce commerce et aux profits découlant du pèlerinage à son temple local.
Des pèlerins nombreux y affluaient et commerçaient par la même occasion.
On vénérait, au centre du temple, un bâtiment plus ou moins cubique, la
Ka'ba, où étaient rassemblées de nombreuses idoles et encastrée une pierre
noire d'origine météorique, supposée réceptacle du divin comme c'était
souvent le cas chez les sémites.
Muhammad perdit son père et sa mère peu
après sa naissance. Il appartenait au clan de Hashim qui aurait eu auparavant
la prédominance à Mekka, mais qui l'aurait perdue du temps de sa jeunesse.
Orphelin peu fortuné, il fut recueilli par son grand-père, Abd al-Muttalib,
puis par un oncle, commerçant aisé, Abu Talib. Celui-ci l'aurait emmené
avec lui dans ses voyages d'affaires, notamment en Syrie. Mais ces voyages
ont été tellement ornés de légendes par la tradition qu'on ne peut savoir
si le fait lui-même est exact.
De toute façon, Muhammad était un orphelin
pauvre et devait travailler. Il aurait, tout jeune, gardé les moutons.
Il fut, plus tard, embauché par une riche commerçante, une veuve, Khadidja,
qui, comme beaucoup de Mekkois, organisait des caravanes. Il aurait accompagné
ses caravanes, jusqu'en Syrie peut-être, et aurait été son homme de confiance
pour diverses affaires. Devenue amoureuse de lui, elle lui proposa le
mariage. Il accepta quoiqu'elle eût, dit-on, quarante ans et lui vingt-cinq.
Elle lui donna des filles au nombre de quatre, mais tous les fils qu'il
en eut moururent en bas âge. Muhammad devint ainsi un homme aisé et même
un notable considéré. Il adopta son cousin Ali, fils de l'oncle Abu Talib
et un esclave que lui avait donné Khadidja et qu'il affranchit, Zayd,
de la tribu arabe des Kalb, en grande partie chrétienne.
Le non-musulman peut essayer de comprendre,
en utilisant les sources selon la démarche indiquée ci-dessus, les conditions
psychologiques qui préparèrent la Révélation. Si Muhammad fut un homme
intelligent, mesuré, équilibré et très réaliste, il n'en était pas moins
doté d'un tempérament nerveux, passionné, fiévreux, plein d'aspirations
ardentes.
Ce
côté de sa personnalité dut être accentué dans sa jeunesse par des insatisfactions
multiples. Il avait été pauvre et rendu sensible par là à la détresse
des pauvres; son mariage exclusif avec une femme âgée devait entraîner
des frustrations au milieu d'une société où les notables utilisaient largement
la polygamie; il était déçu de ne pas avoir de descendance mâle, ce qui
était une honte pour les Arabes. Enfin les vues amples et profondes qu'il
avait sur le monde et les affaires humaines ne rencontraient qu'incompréhension
et mépris de la part des hommes installés à la direction de la cité.
Insatisfait
de sa situation dans le monde, on s'explique qu'il ait regardé d'un oeil
critique l'idéologie que lui proposait sa société. L'évolution récente
des conditions politiques, économiques et sociales de l'Arabie, surtout
sensible dans sa ville natale, provoquait chez bien des esprits une sévère
contestation. Cette évolution accentuait le rôle de l'argent et sapait
l'équilibre social avec les valeurs tribales et communautaires qui lui
étaient liées. On remettait en question la religion polythéiste traditionnelle,
peu satisfaisante pour les aspirations nouvelles, ainsi que la conception
matérialiste brutale du monde qui dominait chez les marchands mekkois.
Les tendances monothéistes, les pratiques et les idées que diffusaient
en Arabie juifs, chrétiens et même mazdéens attiraient une large sympathie.
Elles étaient auréolées du prestige de la "civilisation" supérieure
des grandes puissances voisines où elles étaient en honneur. Mais l'affiliation
pure et simple à une des religions en question impliquait une prise de
parti politique pour la puissance dont elle était la doctrine officielle
ou qui la protégeait, ce qui en écartait certains des sympathisants arabes.
Muhammad s'instruisit de ces doctrines
en interrogeant à Mekka les chrétiens qui y étaient en petit nombre, pauvres
et de peu d'instruction, les juifs peu nombreux aussi, mais qui disposaient
dans la région de centres puissants, riches, organisés, avec des intellectuels
savants. Il apprit sur l'histoire biblique bien des choses, non sans déformations,
soit par suite de malentendus, soit parce que ses interlocuteurs étaient
eux-mêmes peu instruits ou appartenaient à des sectes aberrantes.
3.
La
secte mekkoise
Muhammad prit l'habitude de faire des
retraites, à l'instar des ascètes chrétiens et de leurs imitateurs arabes,
dans une caverne d'une montagne proche. Il y méditait en s'y livrant à
des pratiques d'ascétisme. Un jour, vers l'an 610, il eut une vision "comme
le surgissement de l'aube", il entendit une voix, il vit, selon la
tradition, l'archange Gabriel (Djibril en arabe) qui lui transmettait
des paroles de Dieu.
D'abord effrayé, suspectant un piège de
Satan, il s'habitua peu à peu à recevoir ces paroles, il les répéta à
son entourage et, plus tard, les dicta à un secrétaire. C'est leur notation
écrite, plus tard mise en ordre, qui devait former le Coran (en arabe
qur'an, "récitation"). On a pu reconstituer plus ou moins la
chronologie des révélations (sans aucun rapport avec l'ordre canonique
du livre tel qu'on l'édita plus tard). Au début, en un langage saccadé,
sonore, ardent, la voix d'En-Haut dénonçait surtout les riches et les
puissants, les marchands mekkois fiers de leurs fortunes, avides d'en
jouir. On les adjure de se soumettre au Créateur unique et tout-puissant,
Allah, qui leur demandera des comptes au jour terrible du jugement. Ils
devront suivre les conseils du modeste "avertisseur" qu'est
Muhammad, se montrer humbles et justes, donner une part de leurs biens
aux pauvres et aux orphelins.
L'appel
de Muhammad convainquit d'abord sa maisonnée et quelques amis, puis d'autres
Mekkois de condition modeste, parmi les frustrés, les humiliés, avec aussi
des jeunes animés d'un esprit de révolte contre leur milieu. Autour de
lui se forma une petite secte se livrant à des pratiques de piété, suscitant
l'ironie, le mépris ou parfois la compassion.
Le passage à l'hostilité déclarée semble
avoir suivi une tentative (ou une apparence de tentative) faite par Muhammad,
inconsciemment semble-t-il, pour regagner l'estime de ses concitoyens
en accordant quelque place à des divinités locales à côté d'Allah (littéralement
"la divinité") que les Arabes reconnaissaient déjà comme un
dieu parmi d'autres. Sa rétractation après cette tentative parut une déclaration
de guerre aux dieux, au sanctuaire, aux valeurs et aux intérêts de la
cité. Il se posait en seul interprète autorisé des volontés divines, prétention
dangereuse même sur le plan temporel.
Une
persécution suivit qui frappa surtout les faibles de la secte, alors que
les membres importants (dont Muhammad lui-même) étaient protégés par leurs
clans, même opposés à leurs idées. La pensée du Prophète se développait.
Les révélations insistaient maintenant dans un style narratif et plus
calme sur les récits bibliques. L'accent était mis sur les prophètes du
passé qui avaient été méconnus par les leurs, les gens importants de leur
peuple. Le groupe était désigné du nom de musulmans (en arabe muslimun,
"ceux qui remettent leur âme à Allah"). Il se distinguait par
la pratique de la salat, "prière rituelle", en fait ensemble
fixé de prosternations, d'inclinations et d'invocations que le croyant
accomplit plusieurs fois par jour en hommage au Créateur en se tournant
vers Jérusalem selon la coutume juive et chrétienne.
Certains fidèles émigrèrent en Éthiopie
chrétienne où ils furent bien accueillis. On pressentait peut-être une
catastrophe cosmique, aube des derniers jours. Les événements mondiaux
qui rappelaient des prophéties anciennes impressionnaient les esprits.
Les Perses avaient envahi l'Empire romain d'Orient, prenaient la ville
sainte de Jérusalem (614) et menaçaient Constantinople.
En 619 moururent coup sur coup deux protecteurs
de Muhammad: son oncle Abu Talib et sa femme-mère Khadidja. Abu Talib
fut remplacé à la tête du clan de Hashim par un autre oncle, Abu Lahab,
très mal disposé pour son neveu. Muhammad chercha un refuge. Après plusieurs
essais sans résultat, il entra en contact avec des habitants de Yathrib,
une oasis située à environ 350 kilomètres au nord-ouest de Mekka, qu'on
appelait aussi Médine (al-Madina, "la ville"). Deux tribus arabes,
les Aws et les Khazradj, s'y combattaient sans arrêt avec l'appoint fluctuant
de trois tribus juives qui y avaient établi un centre intellectuel important.
Ces luttes continuelles faisaient tort à la culture des palmeraies et
des champs dont tous tiraient leur subsistance. Des mandataires des deux
tribus arabes conclurent un accord avec Muhammad. on l'accueillerait à
Médine et il y rétablirait la paix, jouant un rôle d'arbitre inspiré de
Dieu dans les disputes tribales.
Les fidèles mekkois (environ soixante-dix
hommes et femmes) partirent pour Médine. Les derniers, Muhammad et son
conseiller préféré Abu Bakr, partirent en cachette, arrivant à Médine
le 24 septembre 622. C'est l'année de l'hégire (hidjra, "émigration"
et non "fuite").
4.
L'État
de Médine
Muhammad
révéla à Médine des qualités insoupçonnées de dirigeant politique et de
chef militaire. Il devait subvenir aux ressources de la nouvelle communauté
(umma) que formaient les émigrés (muhadjirun) mekkois et les "auxiliaires"
(ansar) médinois qui se joignaient à eux. Il recourut à la guerre privée,
institution courante en Arabie où la notion d'État était inconnue. Muhammad
envoya bientôt des petits groupes de ses partisans attaquer les caravanes
mekkoises, punissant ainsi ses incrédules compatriotes et du même coup
acquérant un riche butin. En mars 624, il remporta devant les puits de
Badr une grande victoire sur une colonne mekkoise venue à la rescousse
d'une caravane en danger. Cela parut à Muhammad une marque évidente de
la faveur d'Allah.
Elle
l'encouragea sans doute à la rupture avec les juifs, qui se fit peu à
peu. Le Prophère avait pensé trouver auprès d'eux un accueil
sympathique, car sa doctrine monothéiste lui sembalit très proche
de la leur. La charte précisant les droits et devoirs de chacun à Médine,
conclue au moment de son arrivée, accordait une place aux tribus juives
dans la communauté médinoise. Les musulmans jeûnaient le jour de la fête
juive de l'Expiation. Mais la plupart des juifs médinois ne se rallièrent
pas. Ils critiquèrent au contraire les anachronismes du Coran, la façon
dont il déformait les récits bibliques. Aussi Muhammad se détourna-t-il
d'eux. Le jeûne fut fixé au mois de ramadan, le mois de la victoire de
Badr, et l'on cessa de se tourner vers Jérusalem pour prier.
L'activité de Muhammad suscitait, au fur
et à mesure qu'elle s'affirmait plus indépendante, l'opposition non seulement
des païens et des juifs, mais aussi celle de Médinois qui avaient accepté
la validité de ses révélations. Derrière leur chef de file, Ibn Ubayy,
ces gens, qu'il appelait les Douteurs ou les Hypocrites, multipliaient
les objections à ses actes, les réticences sur son pouvoir grandissant,
critiquaient les émigrés mekkois musulmans. Muhammad supprima peu à peu
les appuis de cette opposition.
Peu
après Badr, des poètes médinois païens qui avaient injurié le Prophète
furent assassinés, et le clan juif de Qaynuga, à la suite d'une querelle
engagée sur un motif trivial, fut expulsé de Médine et ses biens confisqués.
En mars 625, devant la colline d'Uhud aux
portes de Médine, une armée mekkoise prenait la revanche de Badr. Mais
les Mekkois n'exploitèrent pas leur succès. Muhammad expulsa alors encore
une tribu juive de Médine, les Nadir, soupçonnés de mauvais desseins.
Ils purent emporter beaucoup de leurs biens. Un dernier effort fut tenté
par les Mekkois sous le commandement du subtil Abu Sufyan du clan umayyade.
Trois armées convergèrent sur Médine. Muhammad recourut à une innovation
militaire, inconnue dans cette partie de l'Arabie, le creusement d'un
fossé pour arrêter les assaillants. Ceux-ci, mal préparés pour un siège,
finirent par partir. Muhammad profita de ce succès pour éliminer de Médine,
en la faisant massacrer, la dernière tribu juive qui y restait, les Qurayza,
qu'il accusait d'un comportement suspect. Son pouvoir était définitivement
consolidé. Il semblait invincible.
Pendant
ce temps, ses idées avaient évolué, et la religion qu'il prêchait s'était
nettement arabisée. Il se rattache directement à Abraham (Ibrahim), dont
il a découvert qu'il était l'ancêtre des Arabes par Ismaël (Isma'il) aussi
bien que des juifs, qu'il n'était ni juif ni chrétien, mais comme lui
un monothéiste pur. Il s'agit pour les Arabes de retrouver cette foi,
non de s'aligner sur les religions étrangères. À Ismaël et à son père
se trouve attribuée la fondation de la Ka'ba, l'énigmatique maison située
au centre du sanctuaire mekkois. Les générations postérieures sont accusées
de l'avoir défigurée en y introduisant des idoles. La prière doit s'orienter
maintenant vers la Ka'ba, qu'on espère libérer et épurer. La Révélation
prend des positions nettement antijuives, en insistant sur la personne
de Jésus, grand prophète né d'une vierge, mais non pas Dieu. Les juifs
sont accusés d'avoir calomnié sa mère et voulu le tuer, mais en vain car
un fantôme lui fut substitué sur la croix (emprunt à l'hérésie docétiste).
Muhammad
est devenu un véritable chef d'État grâce à son prestige religieux et
à la force de ses disciples armés. La nouvelle communauté est pourvue
par la Révélation de dispositions juridiques, par exemple sur les peines
et les successions. La richesse du Prophète s'accroît par des dons et
par sa perception du cinquième du butin. Il finit aussi par exiger des
tribus vaincues des contributions régulières. Des pactes sont conclus
avec de multiples tribus arabes qui, en même temps, font acte d'adhésion,
souvent du bout des lèvres, à l'islam. Peu à peu se constitue, plutôt
qu'un véritable État, toute une zone d'influence que Muhammad domine par
des moyens surtout diplomatiques. Elle embrasse bientôt toute l'Arabie.
Muhammad
cherche surtout à attaquer obliquement sa ville natale et à l'isoler.
Abu Sufyan et les Mekkois d'esprit politique comprirent bientôt qu'ils
avaient intérêt à s'entendre avec lui, maintenant qu'il accordait une
grande place à leur sanctuaire. En mars 628, il se présenta devant Mekka
avec une troupe non armée pour faire le pèlerinage. Un pacte fut conclu
remettant celui-ci à l'année suivante, mais stipulant une trêve de dix
ans. En janvier 630 enfin, les armées musulmanes occupaient la ville à
peu près sans opposition. Les derniers adversaires se ralliaient, recevant
en récompense de grosses parts de butin et de hautes fonctions.
Toute
l'Arabie entrait rapidement dans ce quasi-État médinois, le système dirigé
par Muhammad qui, imposant la cessation des razzias entre tribus, contraignait
à chercher ailleurs de nouvelles ressources. Des expéditions furent lancées
sur les marches byzantines de Palestine, sans grand résultat.
Muhammad
mourut de façon inattendue, après une courte maladie, le 8 juin 632 à
Médine. Ses conseillers surent prendre en main sa communauté et empêcher
la désagrégation et l'effondrement qu'on put craindre un moment.
5.
La
personnalité et le rôle de Mahomet dans l'islam
Si
le développement postérieur de l'islam est dû aux circonstances (pour
ceux qui n'y voient pas la main de Dieu), une part importante de son succès
vient néanmoins du génie de Muhammad. On peut le créditer d'une grande
intelligence, d'une habileté et d'une ténacité remarquables, d'un sens
très fin des hommes et des situations. Au début, une flamme ardente l'emporte,
l'indignation le brûle et s'exprime en une véhémente poésie. Certes, le
succès le gâta quelque peu, il en vint à croire un peu trop facilement
à des inspirations qui satisfaisaient ses penchants naturels. Mais il
n'y a pas de raison majeure de mettre en doute sa sincérité jusqu'au bout.
Il faut tenir compte des moeurs du temps et de son pays pour juger certains
de ses actes, atroces ou quelque peu hypocrites (encore qu'ils semblent
avoir suscité quelque réprobation à l'époque même) . On voit là surtout
la dégradation habituelle de la mystique (car ce fut une grande personnalité
religieuse) en politique, avec toutes les suggestions pernicieuses de
la raison d'État. Il montra, en bien des cas, de la clémence, de la longanimité,
de la largeur de vues et fut souvent exigeant envers lui-même. Ses lois
furent sages, libérales (notamment vis-à-vis des femmes), progressives
par rapport à son milieu.
Sa
vie privée influa sur ses déterminations et même sur ses idées. Après
la mort de Khadidja, il épousa une veuve, bonne ménagère, Sawda, et
aussi la petite `A'isha, fille d'Abu Bakr, qui avait à peine une dizaine
d'années. Ses penchants érotiques, longtemps contenus, devaient
lui faire contracter concurremment une dizaine de mariages. Cela n'alla
pas sans jalousies, intrigues et parfois scandales avec d'opportunes interventions
d'Allah. Le groupe constitué par sa fille Fatima et 'Ali, qui épousa celle-ci
(ils lui donnèrent deux petits-fils, Hasan et Husayn), était hostile à
celui que formaient deux des coépouses du Prophète et leurs pères Abu
Bakr et 'Umar, conseillers de celui-ci. Cette rivalité devait avoir de
graves conséquences plus tard.
La
glorification de Muhammad devait aller croissant après sa mort. Symbole
de l'unité de la nouvelle foi, il se vit attribuer des charismes de plus
en plus éminents, en particulier pour le placer au moins à égalité avec
les fondateurs des autres religions. Certaines sectes allèrent jusqu'à
le déifier. Un véritable culte s'organisa autour de sa personne et ses
reliques furent particulièrement vénérées. Encore aujourd'hui, si on n'applique
plus comme autrefois la peine de mort à l'encontre de ses insulteurs,
il reste impossible de manquer de respect envers sa mémoire (ou de paraître
en manquer) dans les pays musulmans.
Maxime
Rodinson, Encyclopedia Universalis
à compter du 10 décembre 2001
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